Composé de cinq quatrains d'alexandrins, il exprime la souffrance culminante, l'échec qui s'impose inexorablement au poète. Les thèmes de l'emprisonnement, de l'asphyxie détruisent industrieusement l'imagination, l'esprit et l'espoir du poète jusqu'à provoquer de délétères hallucinations. Mal physique symptomatique d'une souffrance plus profonde, le spleen se présente ici sous la formes d'images morbides qui passent par des sensations visuelles et auditives. La structure du texte correspond à la montée progressive de l'horreur et du désespoir jusqu'à proposer, au-delà de la crise ponctuelle, un constat d'échec plus général, l'échec d'une vie.
I- Une structure originale
Ce poème présente une structure originale en alexandrins :
- les trois premiers quatrains
Ce sont trois propositions subordonnées de temps marquées par l'anaphore de Quand (vers 1, 5 et 9) Et que (vers 3 et 11) soulignant trois étapes (le ciel, la terre, la pluie). Baudelaire témoigne ainsi des circonstances à l'origine du spleen : le ciel et la terre sont liés par la pluie, témoin de l'aggravation. Le tableau est celui d'un emprisonnement absolu.
[...] L'aggravation inéluctable : troisième quatrain
Débutant par une subordonnée de temps (vers 9-10), il exprime une nouvelle étape de l'envahissement de l'univers du poète. L'enjambement des vers 9-10 ne fait que mettre en valeur cette reprise des thèmes des premier et deuxième quatrains. Dévolu à la pluie (vers 9) dont les traînées verticales symbolisent les barreaux, il reprend le ciel bas et lourd (vers 1) et accentue l'oppression (...)
[...] Baudelaire, Les Fleurs du Mal, Spleen (LXXVIII) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour outrage à la morale religieuse ainsi qu'à la morale publique et aux bonnes mœurs Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). [...]
[...] En suivant, Baudelaire assure la même personnification de l'Angoisse (vers soulignant la valeur allégorique du mot. Les signes de cruauté, d'autorité et de victoire (atroce, despotique, vers 19 ; plante son drapeau noir, vers 20) témoignent alors son triomphe sans appel. On remarquera que la métrique de l'espoir (l'Espoir, / Vaincu, pleure syllabes) est dominée par celle de l'angoisse (l'Angoisse atroce, despotique syllabes) : l'Angoisse écrase l'Espoir. Enfin le quatrain, et donc le poème, s'achève sur une connotation de mort avec la position du vaincu (Sur mon crâne incliné, vers 20) : la soumission du vaincu rappelle encore la défaite. [...]
[...] - les vers 3 et 4 Débutant par une conjonction (Et que, vers c'est une deuxième proposition de temps qui aggrave la première par un phénomène d'addition. L'association horizon / cercle, prenant la place de ciel / esprit, le lecteur observe un passage du vertical à l'horizontal, témoin d'un espace encore plus réduit, écrasé. D'autant que l'expression embrassant tout le cercle (vers accentue cette impression d'enfermement. De plus, l'oxymore jour noir (vers suivi d'une comparaison au pluriel (plus triste que les nuits) ajoute l'aveuglement à l'oppression. [...]
[...] La ponctuation, avec notamment les virgules des vers 5 et insuffle un changement de rythme avec des saccades, à l'image des mouvements désespérés de la chauve-souris qui se débat. La comparaison incise comme une chauve- souris (vers introduit une syntaxe qui rompt le rythme. La construction suivante du verbe aller suivi de participes présents (S'en va battant . Et se cognant, vers souligne le mouvement désordonné dont un jeu sur les sonorités dentales et gutturales (battant, cognant, tête) souligne la succession de chocs. [...]
[...] Baudelaire a ici aussi recours au bestiaire avec des insectes effrayants, hostiles d'autant qu'au pluriel (infâmes araignées, vers nonobstant l'ajout d'un autre substantif et d'un autre adjectif (peuple muet d'infâmes araignées) qui contribuent à évoquer la multiplicité et le grouillement angoissant. Enfin, des vers 10 (prison . barreaux) à 12 (au fond de nos cerveaux), Baudelaire focalise le poème de l'extérieur vers l'intérieur afin de traduire une angoisse croissante : le spleen opère son industrieuse sape jusqu'au plus profond de l'être. [...]
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