Baudelaire présente un paysage de pluie tout comme Laforgue.
Baudelaire évoque le "ciel bas et lourd" (v.1) ou encore "la pluie étalant ses immenses traînées".
Laforgue de même se morfond en observant le "haut ciel gris rayé d'une éternelle pluie" (v.2) et "l'averse toujours" (v.8). Le paysage du Spleen est rayé par la pluie. Laforgue cependant introduit- comme l'a fait Baudelaire dans les "Tableaux parisiens" dans Les Fleurs du Mal, le paysage urbain : "la rue", "le gaz", "des fiacres" (...)
[...] Baudelaire lui aussi manifeste l'isolement du poète dans ce texte. Le dernier quatrain le montre seul, vaincu. Le pronom nous qui semblait rendre compte d'une expérience commune à la condition humaine tout au long du texte n'est plus d'usage dans la fin paroxystique. En effet on passe de nous verse nos cerveaux (v.12) à sur mon crâne incliné Plus sensible que les autres, le poète est aussi plus facilement victime du spleen, de la bile noire de la mélancolie. La place de l'écriture poétique : lutte ou résignation Dramatisation baudelairienne : la présence d'un combat et d'un déchirement. [...]
[...] En revanche dans le sonnet de Laforgue c'est la résignation qui domine. La circularité envahit le texte. L'écriture même a une place bien restreinte. Elle se limite à de la calligraphie sur une vitre ternie (v.7) Belle écriture (kallos en grec = beau) qui a perdu son sens Ainsi, la réappropriation du terme baudelairien Spleen par Laforgue est l'occasion d'exprimer un mal-être qui passe par des phases différentes: là où Baudelaire évoque son angoisse intérieure, Laforgue démontre le vide absurde qui l'entoure; là où Baudelaire magnifie son poème par une luxuriance d'images et de symboles, Laforgue épure son écriture; là où Baudelaire manifeste sa révolte et son envie de combattre pour tendre à l'Idéal, Laforgue se résigne. [...]
[...] La négation et l'allitération en au vers 9 révèlent un monde habité par des êtres insignifiants : Pas de livre. Passants bêtes. Personne. (v.9) Il évoque l'homme ravalé au rang de la bête, mention qui ne va pas sans mépris. A priori négatif à l'égard des autres et complaisance du poète pour cet état de spleen qui génère l'écriture. Enfin le vers final met en exergue l'adjectif seul Avec le décadentisme de Laforgue on assiste à un pessimisme généralisé. Les poètes décadentistes partagent deux idées essentielles : -la société naufrage et seul l'art permettra de la sauver. [...]
[...] On glisse d'une image à l'autre pour aller du sens à l'essence, parvenir à saisir ce qui gît sous la banale réalité. Il y a bien là la démarche d'un poète symboliste. La poésie est une peinture, un paysage où se déploie l'imaginaire et le symbole. Laforgue opte pour une forme de monologue intérieur. Sa poésie semble au contraire vouloir rendre compte à tout prix de la banalité et de la monotonie du monde. Elle reste à la surface d'un monde qui n'a rien à révéler. [...]
[...] Baudelaire évoque ce sentiment de claustration par un champ lexical du lieu clos : cachot plafond les murs (v.7) mais ces mots ne sont là que pour rendre compte du malaise qui règne dans l'âme du poète. L'intériorité est mise en avant : sur l'esprit gémissant au fond de nos cerveaux (v.12), dans mon âme (v.18). De la même façon Laforgue semble coupé de l'extérieur : le vers 5 le montre regardant sans voir et comme pour insister sur cette intériorité dévorée par le spleen, il ajoute : fouillant mon vieux cerveau (v.5). [...]
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