Dans quelle mesure le spectateur est-il partie prenante de la représentation théâtrale ?

Résumé du document

Lors de la représentation d'une pièce de théâtre, les comptes rendus et les photographies abondent, les analyses critiques de mises en scène foisonnent ... On en oublierait presque le public.

Or, qu'est-ce qu'une pièce de théâtre sans spectateur ? Sans lui, elle n'aurait plus de sens, rappelant ainsi les propos de Maurice Descotes dans Histoire de la critique dramatique en France : « Tous ceux, et d'abord les dramaturges, qui ont eu un contact direct avec la scène, ont proclamé [...] l'absolue nécessité de tenir compte de ce partenaire aux manifestations imprévisibles : le public [...] Car, pour créer une pièce, il faut être deux : l'auteur et la salle. »

Apparemment passif, le public se révèle être partie prenante de la création théâtrale. Nul auteur ne peut l'ignorer, et le public se trouve promu, en quelque sorte, créateur à part entière de la pièce, jouant lui aussi un « rôle » dans l'écriture et la représentation, indéfectiblement attaché à l'écrivain, au metteur en scène et à l'acteur (...)

Extraits

[...] Plus tard, bien des metteurs en scène ont donné un éclairage tragique à cette œuvre, y voyant le reflet du drame caché du couple de Molière et dans George Dandin un personnage attristant : ils ont alors donné à la pièce un registre sinistre et grave en accentuant les récriminations du plaignant. Dans les deux cas, le spectateur a été, en quelque sorte, prisonnier de l'interprétation qu'il a vu et qu'il a dû accepter. Paradoxalement, malgré cette inertie le spectateur est indispensable au théâtre. [...]

[...] Plus paradoxalement, le rôle du spectateur dépasse celui de l'acteur qui, une fois la représentation finie, se retire et a rempli son rôle. Le rideau fermé, le public, au contraire, rentre chez lui, mais commence alors pour lui un travail de réflexion et de réaction. Le spectateur prolonge le spectacle, notamment par les commentaires qu'il formule sur ce qu'il a vu et entendu. Mais, à l'instar d'un iceberg, ce qu'il a vu de la pièce n'est que la partie émergée de ce qu'elle renferme. [...]

[...] En fin de compte, ce sont les spectateurs qui décident le succès de telle ou telle pièce ou tel ou tel spectacle. Du reste, de nos jours la terminologie du spectateur venu assister à une représentation n'est pas voir mais particulièrement judicieuse puisqu'elle fait référence au sens assister du verbe aider Des exemples témoignent même de cette toute-puissance puisque parfois, certaines représentations ont dû être interrompues du fait de la défection du public ou de ses réactions de rejet, d'autres amputées de scènes qui choquent le public, notamment du fait de leur impiété. [...]

[...] Maurice Descotes, le premier à avoir retracé l'histoire de ce grand oublié des analyses littéraires, dans l'ouvrage cité en introduction, a pu écrire : L'éclosion de ce phénomène mystérieux qu'est l'œuvre théâtrale nécessite la collaboration triple de l'auteur, des interprètes et du public. Mais, pendant ou au sortir de la représentation d'une pièce de théâtre, le spectateur se pose-t-il vraiment toutes ces questions ? Il faut bien le rappeler, le plaisir du théâtre est aussi de s'oublier, de vivre la pièce et de croire en l'illusion ! Comme le disait Marcel Pagnol, le public vient au théâtre pour se faire des songes pour le plaisir d'être leurré et voir ce que l'on n'a pas forcément l'habitude de voir. [...]

[...] Enfin, la complicité s'établit entre le spectateur et l'acteur et il convient alors de noter le rôle déterminant des réactions du public sur le jeu des acteurs. À elles seules, elles influencent le succès d'une représentation par des rires, des applaudissements, des frissons d'effroi ou bien par une indifférence, une froideur ou un calme excessif. Le public se doit de vivre la pièce afin d'en déterminer le succès. Cependant, l'atmosphère collective rend ce rôle imprévisible, car la réaction d'un public, phénomène étrange, n'est pas la somme des réactions des individus qui le composent, ainsi que le met en évidence le rire communicatif par exemple. [...]