Dans ce sonnet de tradition classique, caractérisé par son cadre mythologique de la Grèce et de la Rome antique, Louise Labé, au travers d'une assimilation à la Nymphe, envisage un éclairage particulier de l'amour, à savoir sa non-réciprocité et la douleur que cet état engendre (...)
[...] III) L'impuissance de l'amour La réponse de la Nymphe poétesse n'est pas surprenante en elle-même, puisque nous avons dit que jouer des tours aux passants, surtout s'il s'agit de beaux jeunes hommes, est l'activité préférée de ces divinités de la nature. L'arc et les flèches sont en même temps ceux de Diane, la déesse chasseresse, et de ses Nymphes, mais aussi ceux de l'Amour. Ces représentations sont en effet des topoï de l'Amour. Mais ce qui est surprenant, c'est l'inefficacité des flèches de la Nymphe poétesse, soulignée par l'expression en vain placée à la césure du vers 12. [...]
[...] En définitive ce sonnet de Louise Labé est à la fois simple dans le thème qu'il aborde, celui de l'amour et des possibles tourments qu'il engendre, et complexe dans la structure implicite de dualité qui le sous- tend. De la même façon, il est de tradition classique dans sa forme et dans son cadre, mais introduit des thèmes novateurs, traités par les romantiques, notamment ceux des rêveries d'amour dans un cadre naturel. Il peut être rapproché du sonnet III dans lequel la poétesse exprime explicitement les affres de l'amour qu'elle a endurés au point d'en arriver à une certaine insensibilité Car je suis tant navrée en toutes parts Que plus en moi une nouvelle plaie, Pour m'empirer, ne pourrait trouver place. [...]
[...] Louise Labé, Sonnet XIX : Diane étant Diane estant en l'espesseur d'un bois, Apres avoir mainte beste assenee, Prenoit le frais, de Nynfes couronnee. J'allois resvant comme fay maintefois, Sans y penser : quand j'ouy une vois, Qui m'apela, disant, Nynfe estonnee, Que ne t'es tu vers Diane tournee ? Et me voyant sans arc et sans carquois, Qu'as tu trouvé, o compagne, en ta voye, Qui de ton arc et flesches ait fait proye ? Je m'animay, respons je, à un passant, Et lui getay en vain toutes mes flesches Et l'arc apres : mais lui les ramassant Et les tirant me fit cent et cent bresches. [...]
[...] Par conséquent, le thème de ce sonnet, à sa voir la non-réciprocité de l'amour, n'est pas univoque, au sens où il ne fait pas entendre qu'une seule voix et n'admet pas qu'une seule interprétation, mais donne plutôt lieu à un dialogue, c'est-à-dire qu'il ne s'inscrit pas dans l'unicité de l'amour réciproque mais dans la dualité de sentiments non-partagés. La rêverie au sein de la Nature Les trois premiers vers consistent en une description, comme le prouve l'imparfait à valeur descriptive, et mettent en place un cadre naturel et frais, indiqué par plusieurs éléments. Le sonnet débute par l'évocation de Diane, déesse de la lune et de la chasse. Elle représente symboliquement l'élément féminin par excellence, par opposition à l'astre masculin qu'est le soleil, incarné par son frère Apollon. [...]
[...] De manière symbolique, l'amour dénude les êtres, leur ôte tous pouvoirs et les réduit à leur plus simple existence. Mais la cause du mal, en l'occurrence l'amour, n'est pas nommée : la voix le désigne par le pronom relatif Qu' au vers qui laisse planer un mystère sur l'identité et l'origine de l'agresseur et ménage un suspense. De même, le verbe trouver suggère le côté arbitraire, le hasard avec lequel cet événement est arrivé. La voix, quant à elle, lève en quelque sorte le voile sur sa source, à travers l'incise ô compagne Ce qui peut être une preuve supplémentaire de compassion envers la poétesse nous indique également une certaine complicité, voire une proximité entre les deux interlocuteurs. [...]
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