Sénéque, Médée, Analyse de la dernière scène

Résumé du document

Sénèque, célèbre philosophe stoïcien de l'an 4 av. J.C, est l'auteur de neuf tragédies romaines toutes inspirées de légendes grecques. A l'époque de Sénèque, la mythologie dans le théâtre tient une place importante au sein de la Cité. Etre Romain et civilisé, c'est connaître la mythologie et aller au théâtre pour la connaître. La tragédie romaine, qui offre le spectacle de la transformation d'un homme en monstre, est un véritable paradoxe : le non humain rend plus humain. Pour écrire "Médée", Sénèque s'est inspiré de la version grecque d'Euripide, mais en conférant à son personnage une dimension encore plus furieuse et inhumaine que chez celle de son confrère. Le mythe de Médée date de 2000 ans av. J.C, mais il est en constante évolution. Médée, petite-fille du Soleil, est l'une des figures les plus célèbres de la mythologie antique. Elle a ainsi inspiré de nombreux auteurs romains de Ennius à Ovide ...

Extraits

[...] Sénèque, ici, ne respecte pas le classicisme tragique défendu par Aristote et Horace, qui condamnait l'infanticide dans le théâtre. Médée, toute inhumaine qu'elle est, appartient au monde de la barbarie et possède donc le défaut d'hubris, la démesure existe tant dans ses paroles, Légère est la vengeance qu'on peut exécuter sans se salir les mains. que dans ses actes. Médée nous montre comment le furor bascule dans le nefas, comment l'humain sort de ses propres limites. Mais là encore, on peut affirmer qu'elle n'est pas un personnage tragique, se laissant entraîner dans des violences incontrôlables. [...]

[...] Le mythe de Médée, c'est aussi le récit de l'expédition des Argonautes, qui transgressent les mers et passent du monde oriental vers le monde occidental pour rapporter la Toison d'or. C'est le chaos et la barbarie qui sont amenés dans la civilisation de l'ordre des Grecs. Dans la pièce de Sénèque, les Argonautes sont tous morts. Médée est présentée par Sénèque comme le châtiment des Argonautes ; dans les Chants du chœur tous les thèmes de l'accusation sont mis en place : en quittant le monde barbare, Médée amène chez les Grecs toutes ses forces du chaos. L'expédition des Argonautes a provoqué un déséquilibre irrévocable de la nature. [...]

[...] Dans une première partie j'expliquerai ce qui fait de Médée un spectacle tragique en développant les trois notions fondamentales à la tragédie, puis j'analyserai en détail le crime de Médée et enfin, j'expliquerai pourquoi et comment Médée est- elle entrée dans le mythe. La tragédie, grecque ou romaine, est une cérémonie célébrant le culte de Dyonisos. Il s'agit d'une représentation d'un mélange de chants et de dialogues qui imitent une action mythique, située hors du temps. Les personnages représentés sont animés de passions destructrices et tentent, en vain, de lutter contre un destin inéluctable qui les mène le plus souvent à la mort ou à la folie. [...]

[...] Par ses crimes et par le trajet du furor, Médée va annuler toutes ses causes de douleur. Elle souhaite annuler chacun des évènements qui ont eu lieu depuis Jason : son mariage, la naissance de ses enfants, la perte de son rang et l'exil, pour revenir à l'état initial, une sorte de virginité retrouvée. Par ce sacrifice, elle s'accomplit sans Jason. C'est une sorte d'action purificatrice au sein de laquelle on peut trouver une véritable dimension religieuse. Médée est également assaillie par les souvenirs, qui prennent la forme de fantasmes ou d'hallucinations, de ses premiers crimes qu'elle a accompli pour son mari : Qui Mégère vise-t-elle de sa torche hostile ? [...]

[...] Elle les revendique comme des divinités complices, la nature devient son secours. Médée entretient un rapport étroit avec le feu qui joue un rôle primordial dans l'accomplissement du premier crime : un incendie embrase la robe de Creuse puis le Palais de Créon. Ceci s'explique également par l'ascendance divine de Médée qui est, avant tout, une habile magicienne puisqu'elle est aussi la fille d'Hécate, divinité présidant à la magie et aux enchantements. Pourtant Médée n'est pas entièrement inhumaine. Ce passage se caractérise par un grand déchirement intérieur qui prend la forme d'un dilemme. [...]