Après avoir retrouvé par hasard la salle d'attente de la gare par laquelle il était, vers l'âge de cinq ans, arrivé en Angleterre, Austerlitz entend parler à la radio d'un convoi d'enfants juifs vers l'Angleterre qui serait passé par Prague à peu près à la même époque.
Persuadé de pouvoir y retrouver des traces de son histoire, il décide de se rendre à Prague, où il n'a aucune difficulté à trouver, dans les archives, les adresses des personnes ayant porté son patronyme à l'époque où le convoi d'enfants à quitté le pays pour l'Angleterre.
Il débute ses recherches dans le quartier de Sporkova, où résidait en 1938 une certaine Agata Austerlitzova. Or dès les premier pas dans ce quartier, on assiste à la réminiscence de ses premiers souvenirs. Il va alors retrouver son ancienne nourrice, Vera Rysanova, qui, tout comme son appartement, semble n'avoir pas changé depuis leur séparation.
Elle va alors lui raconter son enfance et lui parler de ses parents et de leur destinée, ou du moins de ce qu'elle en sait. C'est alors que, prenant le relais sur la mémoire humaine, les traces vont faire leurs apparitions (...)
[...] Elles opèrent un véritable bouleversement du monde tel que les humains ont l'habitude de se le représenter. Tout d'abord on peut noter qu'elles ne connaissent aucune chronologie. Elles présentent ainsi le paradoxe de représenter un passé définitivement révolu et pourtant toujours présent en elles, un passé qui grâce à elles, va pouvoir renaître bien que sous une forme fortement diminuée, comme un simulacre de lui-même à l'infini. Ainsi l'image du petit page, bien que tout en [Austerlitz] était effacé par le sentiment accablant qu'il s'agissait là d'un passé définitivement révolu sera étudié maintes fois par lui. [...]
[...] Austerlitz ne peut donc que sentir pleinement l'étendue de son impuissance et le caractère irréversible de l'Histoire. Le passé se révèle ici insaisissable, paraissant toujours à la portée de l'homme, et pourtant lui échappant à chaque fois que celui-ci tente réellement de le faire revivre. Il semble ainsi ce soit les traces les plus impersonnelles, les moins directement reliées à son histoire qui sont justement les plus aptes à faire renaître les souvenirs d'Austerlitz. Et pourtant cette résurrection du passé ne peut se faire de façon complète, car comme Austerlitz le remarque douloureusement face au spectre de son enfance, aucun retour en arrière n'est possible. [...]
[...] Ici les traces sont donc représentées comme éminemment subversives. Dès lors la confrontation d'Austerlitz à ces traces ne peut que le bouleverser profondément, et va ici remettre en question toute sa vision du monde pour faire naitre chez lui une conception totalement nouvelle de l'Histoire et du monde. Un monde tel que les traces le montrent : sans chronologie, sans frontières définies dans le temps, ni entre morts et vivants. Cette conception il l'exprime ainsi j'ai de plus en plus l'impression que le temps n'existe absolument pas, qu'au contraire il n'y a que des espaces imbriqués les uns dans les autres selon les lois d'une stéréométrie supérieure, que les vivants et les morts, au gré de leur humeur peuvent passer de l'un à l'autre Les espaces-temps seraient donc comme des volumes, qui se côtoieraient sur un même plan, et dont le passage de l'un à l'autre n'est pas impossible, selon les humeurs dit-il ici, ou plutôt comme il se reprend plus tard, grâce à un éclairage particulier et à la faveur de conditions atmosphériques bien précises». [...]
[...] Ainsi la photographie sur laquelle il n'apparaît pas pas plus d'ailleurs que ses parents, contrairement à ce qu'a pu croire sa nourrice semble le plonger dans une rêverie que l'image sur laquelle il se voit enfant se révèle incapable de déclencher. Il s'identifie aisément aux personnages qui ont pu être joués sur cette scène de théâtre, à laquelle il n'a d'ailleurs certainement être pas assisté puisqu'il semble qu'il soit né alors que le jeune couple était déjà installé à Prague. Et pourtant il s'imagine sans peine le garçonnet suisse [ ] avec sa pomme sur la tête lui dont le père, comme celui d'Austerlitz, n'a pas voulu se soumettre à l'oppression des puissants. [...]
[...] Or cette transcendance existe aussi dans les traces, qui ici sont données comme étant presque vivantes comme cette phrase, paze ruzové kralovny écrite par son grand père, et dont le sens va, de lui-même, à la rencontre d'Austerlitz ou du moins comme contenant une survivance de ce passé qu'elles donnent à voir. Vera dit d'ailleurs avoir l'impression que quelque chose bougeait en elles, [ ] d'entendre des gémissements de désespoir, comme si les images elles-mêmes avaient une mémoire. Ainsi les traces sont non seulement des preuves incontestables et objectives du passé mais contiennent aussi une mémoire qui leur est propre, de ce que les gens avaient pu être au temps jadis Ainsi ces traces, pourvues d'une certaine transcendance, peuvent contenir une grande part de l'Histoire. [...]
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