Victor Hugo, "Ruy Blas", Acte I scène 3 : La tirade de Ruy Blas
Télécharger
Lire un extrait
Lecture
Résumé
Sommaire
Extraits
sur 2
Résumé du document
Dans ces vers; Ruy Blas se révèle être quelqu'un de très éloquent, un maître de l'art oratoire. Sa tirade le révèle et le trahit tout à la fois. Sa complexité frappe :
- Orphelin né dans le peuple mais instruit par charité, il s'est éprit d'idéal et de projets insensés (V298 à 306) ce qui à fait de lui un déclassé. Paresseux, ambitieux mais sans objectifs il n'est pas né pour l'action mais médite sur la société et se croit indispensable au monde (V307 à 310 et 315 à 319) (...)
Sommaire
Introduction
I) Un être complexe II) La signification de la tirade
Conclusion
Tirade étudiée
RUY BLAS. Donne-moi ta main que je la serre, Comme en cet heureux temps de joie et de misère Où je vivais sans gîte, où le jour j'avais faim, Où j'avais froid la nuit, où j'étais libre enfin ! -quand tu me connaissais, j'étais un homme encore. Tous deux nés dans le peuple, -hélas ! C'était l'aurore !- Nous nous ressemblions au point qu'on nous prenait Pour frères ; nous chantions dès l'heure où l'aube naît, Et le soir devant dieu, notre père et notre hôte, Sous le ciel étoilé nous dormions côte à côte. Oui, nous partagions tout. Puis enfin arriva L'heure triste où chacun de son côté s'en va. Je te retrouve, après quatre ans, toujours le même, Joyeux comme un enfant, libre comme un bohème, Toujours ce Zafari, riche en sa pauvreté, Qui n'a rien eu jamais et n'a rien souhaité ! Mais moi, quel changement ! Frère, que te dirai-je ? Orphelin, par pitié nourri dans un collège De science et d'orgueil, de moi, triste faveur ! Au lieu d'un ouvrier on a fait un rêveur. Tu sais, tu m'as connu. Je jetais mes pensées Et mes voeux vers le ciel en strophes insensées. J'opposais cent raisons à ton rire moqueur. J'avais je ne sais quelle ambition au coeur. A quoi bon travailler ? Vers un but invisible Je marchais, je croyais tout réel, tout possible, J'espérais tout du sort ! -et puis je suis de ceux Qui passent tout un jour, pensifs et paresseux, Devant quelque palais regorgeant de richesses, A regarder entrer et sortir des duchesses. - Si bien qu'un jour, mourant de faim sur le pavé, J'ai ramassé du pain, frère, où j'en ai trouvé : Dans la fainéantise et dans l'ignominie. Oh ! Quand j'avais vingt ans, crédule à mon génie, Je me perdais, marchant pieds nus dans les chemins, En méditations sur le sort des humains ; J'avais bâti des plans sur tout, -une montagne De projets ; -je plaignais le malheur de l'Espagne ; Je croyais, pauvre esprit, qu'au monde je manquais... - Ami, le résultat, tu le vois : -un laquais !
Introduction
I) Un être complexe II) La signification de la tirade
Conclusion
Tirade étudiée
RUY BLAS. Donne-moi ta main que je la serre, Comme en cet heureux temps de joie et de misère Où je vivais sans gîte, où le jour j'avais faim, Où j'avais froid la nuit, où j'étais libre enfin ! -quand tu me connaissais, j'étais un homme encore. Tous deux nés dans le peuple, -hélas ! C'était l'aurore !- Nous nous ressemblions au point qu'on nous prenait Pour frères ; nous chantions dès l'heure où l'aube naît, Et le soir devant dieu, notre père et notre hôte, Sous le ciel étoilé nous dormions côte à côte. Oui, nous partagions tout. Puis enfin arriva L'heure triste où chacun de son côté s'en va. Je te retrouve, après quatre ans, toujours le même, Joyeux comme un enfant, libre comme un bohème, Toujours ce Zafari, riche en sa pauvreté, Qui n'a rien eu jamais et n'a rien souhaité ! Mais moi, quel changement ! Frère, que te dirai-je ? Orphelin, par pitié nourri dans un collège De science et d'orgueil, de moi, triste faveur ! Au lieu d'un ouvrier on a fait un rêveur. Tu sais, tu m'as connu. Je jetais mes pensées Et mes voeux vers le ciel en strophes insensées. J'opposais cent raisons à ton rire moqueur. J'avais je ne sais quelle ambition au coeur. A quoi bon travailler ? Vers un but invisible Je marchais, je croyais tout réel, tout possible, J'espérais tout du sort ! -et puis je suis de ceux Qui passent tout un jour, pensifs et paresseux, Devant quelque palais regorgeant de richesses, A regarder entrer et sortir des duchesses. - Si bien qu'un jour, mourant de faim sur le pavé, J'ai ramassé du pain, frère, où j'en ai trouvé : Dans la fainéantise et dans l'ignominie. Oh ! Quand j'avais vingt ans, crédule à mon génie, Je me perdais, marchant pieds nus dans les chemins, En méditations sur le sort des humains ; J'avais bâti des plans sur tout, -une montagne De projets ; -je plaignais le malheur de l'Espagne ; Je croyais, pauvre esprit, qu'au monde je manquais... - Ami, le résultat, tu le vois : -un laquais !
Accédez gratuitement au plan de ce document en vous connectant.
Extraits
[...] Dans le 1er mouvement de cette longue réplique (V282 à 296). Ruy Blas se livre à un retour en arrière riche en information. Il met en scène ses années de jeunesse, libres et heureuses en compagnie de Zafari. Ce 1er mouvement comporte au vers 282 une alliance étonnante de mots, une accumulation de compléments circonstanciels de temps au V283 à 284 introduit par le pronom relatif où un oxymore V295, un parallélisme de construction V296. Toutes ces figures de style soulignent l'ambivalence de cette époque. [...]
[...] La chute de la tirade remarquable par sa sobriété et le rythme haché de l'alexandrin (V230) résume en quelques mots le destin de Ruy Blas. Conclusion Ruy Blas a donc appris à Zafari ce que fût sa vie pendant les quatre années de leur séparation et il s'est laissé aller à une méditation qui a révélé qu'il était incapable d'agir (inaptitude à l'action) en même temps que ses espoirs de relever l'Espagne de ses malheurs. Au cours de cette scène 3 il va avouer à Zafari son amour pour la reine. IL fixera par cet aveu son destin. [...]
[...] Ruy Blas, Acte Scène 3 Vers 282 à 320 Tirade de Ruy Blas Introduction Jusqu'à cette scène, on ne connaissait rien de Ruy Blas sinon qu'il est le valet de Don Salluste. Dans ce passage il retrouve en Don César un ami d'autrefois connu sous le nom de Zafari Problématique En quoi Ruy Blas est il un être complexe ? Quelle est la signification de cette tirade où il se laisse aller à une méditation qui révèle sa véritable personnalité ? [...]