L'aspect original de l'oeuvre de Rousseau est la recherche qu'il mène de l'intérieur de lui-même et qui ouvre la voie à toutes les entreprises ultérieures d'écriture de soi, comme Stendhal et Chateaubriand. Conscient de la complexité de sa personnalité, il cherche désespérément à faire éclater aux yeux de ses contemporains, considérés à la fois comme des juges et comme des persécuteurs, une vérité qui pourrait concilier l'apparence et la réalité de son moi. Mais il sait que cette vérité personnelle est aussi la vérité de chacun (...)
[...] Il lui a donné, comme l'exige la nature du Rousseau décrit dans cet extrait, une forme labyrinthique : elle lui donne la possibilité, paradoxale, de s'effacer en tant que narrateur au moment où, sur le plan de la structure et de la mise en forme des théories morales et sociales, il joue un rôle essentiel. Voilà ce à quoi peut se référer cette référence au genre épistolaire, qui indique une certaine appréciation du rôle du lecteur. Par des moyens esthétiques, Rousseau a su rendre singulière l'une des facettes de sa personnalité. Mais n'exagère-t-il pas, s'agit-il vraiment de la vérité ? [...]
[...] Tout au contraire de Rousseau, l'auteur qui pensait que tous les genres sont bons, sauf le genre ennuyeux adoptait avec prédilection les genres courts : le conte, l'article de dictionnaire, le pamphlet. Les lettres, qui visent un destinataire, répondent à son sens de l'à-propos, de l'improvisation : il en a écrit plus de quinze mille . Tous les genres qui tiennent de la riposte concise et rapide s'accordent à la vivacité de son esprit, au mordant de son écriture. En cela, Rousseau se positionne directement face à Voltaire. [...]
[...] Déchiré entre la conscience de sa singularité et son appartenance au genre humain, Rousseau mène dans Les Confessions une recherche que son objectif réel voue à l'échec. Ici par exemple, à son retour de Savoie, il est présenté à M. d'Aubonne, un parent de Mme de Warens : avec son apparence gauche et embarrassée, Rousseau n'est pas jugé à son avantage. C'est pour lui l'occasion de tracer un autoportrait et d'analyser le décalage qu'il sent constamment entre son esprit et sa sensibilité, entre sa façon d'être et l'apparence qu'il offre aux autres. [...]
[...] D'une part, il se présente comme une victime, dont le bourreau est intérieur : c'est un feu dévorant, peut-être comme un destin tragique ; à cet égard faut-il relever l'expression biblique supplice (l.36), qui donne une envergure de châtiment, ce qui est assez hyperbolique . cela induit une faute ; quelle est la faute commise par Rousseau ? De même, il y a beaucoup de je ne sais pas, je ne peux pas dans le texte, qui prend presque une forme plaintive. [...]
[...] Il a été vu combien Rousseau est un être original dans la forme, dans le fond. Il est à présent nécessaire d'évaluer la teneur littéraire du texte : d'abord, il faudra observer les processus imaginatifs, la beauté du texte en elle-même, pour étudier ensuite sa réflexion sur le genre littéraire. L'astuce de Rousseau ici est d'avoir transformé le duel sens-esprit en duo : en cela, le début de cet extrait ne ressemble-t-il pas à l'incipit de La Raison pratique de Kant ? [...]
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