Rousseau, Les Confessions, L'apprentissage de la lecture

Résumé du document

Lecture analytique d'un passage des Confessions de Rousseau, Livre I. L'auteur explique la formation de sa personnalité en évoquant ses pratiques de lecture. Document utilisable à l'écrit du baccalauréat pour un commentaire ou encore pour les révisions de l'oral.

Extraits

[...] Le passage qui nous intéresse relate une expérience fondatrice, celle de l'apprentissage de la lecture, doublée chez Rousseau d'un éveil à la sensibilité. On retrouve dans ce passage les caractéristiques de l'écriture autobiographique, mais ici, une expérience particulière est analysée : les lectures. C'est par l'écriture autobiographique que Rousseau exprime sa volonté de reconstruire sa vie personnelle. On reconnaît tout d'abord l'autobiographie par l'omniprésence du je . Les marques de la première personne tissent cet extrait et plus particulièrement les deux premiers paragraphes. [...]

[...] L'extrait révèle sa passion pour la littérature. Essentiellement pour la lecture, comme le révèlent les champs lexicaux utilisés : l'acte de lire est fondamental, et se décline sous différentes formes dans un polyptote . Les types de livres et d'objets qui s'y rattachent sont expressément cités : livres amusants volumes romans tomes et enfin, une véritable bibliographie de ses lectures. Il baigne dans un monde livresque qui contribue à sa façon à son éducation. En effet, la lecture est un moyen d'apprentissage, qui lui permet d'acquérir une certaine conscience : j'acquis j'appris mes premières lectures C'est une expérience fondatrice et enrichissante : formèrent qui l'a aidé à développer de façon incroyable ses capacités intellectuelles et morales une extrême facilité En fait, Rousseau a reçu deux éducations successives, mais qui sont toutes deux livresques ; la première vient de la bibliothèque de sa mère romans et de celle de son grand-père maternel (le ministre Quant à l'éducation paternelle, elle semble inexistante, son père ne se comporte pas comme un éducateur je suis plus enfant que toi Rousseau souligne lui-même ce qu'a de particulier cette éducation. [...]

[...] Rousseau avoue les faiblesses de cette éducation, qui lui permettent de se justifier, mais insiste sur les particularités qui ont fait de lui ce qu'il est. En effet, s'il n'a pas goûté aux plaisirs des enfants de son âge, il a pu développer de façon particulière sa sensibilité. Celle-ci s'éveille aux dépens de la raison. Rousseau oppose ces deux notions en rapprochant les termes dans des antithèses ; je sentis avant de penser je n'avais rien conçu, j'avais tout senti ces émotions confuses que j'éprouvai, n'altéraient point la raison que ne n'avais pas encore Ces émotions sont retranscrites sous différents termes : éprouvai effet passions sentiments émotions goût rare Et s'opposent à ceux de la raison penser conçu raison réflexion esprit Ainsi, ce sont les livres qui ont éveillé la sensibilité et ont formé son caractère sentimental. [...]

[...] Tout d'abord en usant d'un lexique valorisant par dénotation : intelligence unique à mon âge j'y pris un goût rare et peut-être unique à cet âge D'autres termes sont superlatifs : une extrême facilité et des formes absolues hyperboliques tous les sentiments m'étaient déjà connus Je n'avais rien conçu, j'avais tout senti Les parallélismes renforcent sa volonté de se mettre en valeur. En citant des ouvrages qui ont appartenu à un ministre homme de goût et d'esprit, il se valorise indirectement. Ainsi, Rousseau est un être qui se veut exceptionnel et unique. Il faut avouer que le récit de son expérience des lectures révèle une formation très particulière. [...]

[...] Mais en insistant sur cet éveil, comme Bernardin de Saint Pierre avec Paul et Virginie, il prépare le mouvement littéraire qui succèdera au siècle des Lumières, le romantisme. Il n'est pas étonnant que les contemporains de Rousseau n'ont pas compris son projet littéraire : ils étaient habitués à des Mémoires dont l'auteur se présente comme spectateur ou auteur des événements de son époque. Rousseau propose au contraire une introspection qui retrace l'évolution de sa personnalité. Rousseau bouleverse aussi la conception traditionnelle des premières années de l'enfance considérées à l'époque comme peu dignes d'intérêt. [...]