Conformément au voeu de Rousseau, Les Confessions parurent après sa mort, en 1782. C'est donc une oeuvre posthume. Son élaboration fut pourtant imposée par l'urgence d'une actualité pénible. C'est en effet pour se justifier que Jean-Jacques Rousseau entreprit ce livre en 1765. Depuis quelques temps, l'écrivain était en butte aux attaques de ces concitoyens de Genève, ainsi que des philosophes, ses anciens amis. C'est suite à la publication de l'Emile et du chapitre La profession de foi du vicaire Savoyard dans lequel il explique la religion naturelle : l'homme trouverait ses principes dans son coeur et non dans les livres. Et suite à la publication Du contrat social dans lequel il remet en cause l'autorité politique : pourquoi l'homme est né libre alors qu'il est partout dans "les fers" (...)
[...] Cette sincérité naturelle à l'homme est celle du cœur et des sentiments. C'est elle qui s'impose dans l'autobiographie de Rousseau comme une évidence intérieure : je ne puis me tromper sur ce que j'ai senti L'essentiel n'est donc plus d'être exact ou même sincère mais d'être vrai, c'est-à-dire soi-même dans toute la vérité de la nature La recherche de conformité La volonté de transparence et de sincérité est inséparable d'une recherche de la conformité : le récit autobiographique doit être conforme à la réalité vécue. [...]
[...] Car comment la vérité écrite pourrait-elle strictement épouser la vérité vécue ? Il y a un problème important qui concernent l'authenticité de l'auteur sur la vérité des faits : c'est l'aveu, dire quelque chose ou s taire, c'est une stratégie de la part de l'autobiographe. Dans l'autobiographie, l'écrivain souhaite ne rien oublier d'essentiel ainsi que l'exprime Rousseau au livre IV des Confessions : Je n'ai qu'une chose à craindre dans cette entreprise : ce n'est pas de trop dire ou de dire des mensonges, mais c'est de ne pas tout dire et de taire des vérités. [...]
[...] La transparence est brouillée par cette nécessité de communication. De plus, Rousseau donnant à ce qu'il est la priorité sur ce qu'il fait, pensant que son identité se trouve au fond de son caractère et non dans ses actes, il se sent écartelé entre ce qu'il est vraiment et ce qui ne correspond pas avec ce que les autres savent objectivement de lui. Car tout n'est pas susceptible d'explication. Pour se confesser Rousseau n'a donc pas les moyens d'une plein cohérence entre sincérité et vérité. [...]
[...] L'écriture sincère est un flot ininterrompu de mots et de phrases qui expriment de l'intérieur la vérité intime de l'être. On peut bien sûr se demander si Rousseau ne cherche pas ici à se justifier de certains choix flatteurs ou certains mensonges dans le récit de sa vie. Mais l'objection est écartée par deux arguments : selon la philosophie Rousseauiste : le cœur ne peut pas se tromper, et d'autre part, Rousseau n'a pas écrit l'histoire de sa vie, mais l'histoire de son âme. La subjectivité devient donc un critère de vérité. [...]
[...] Dans Les confessions, Rousseau opte pour un Jean-Jacques séduisant. Ensuite, il fait une idéalisation de Mme de Warens : il la montre comme une femme aimante alors qu'elle a toujours pris les initiatives de se séparer de lui : elle lui recommande d'aller à Turin, le place au séminaire d'Annecy, le met en pension chez Le Maître, puis l'envoie à Lyon. Sans avoir pour autant menti, il a retenu la version des faits qui lui convenait. Les confessions sont ainsi un ouvrage de bonne foi dont l'exactitude peut pourtant être discutée. [...]
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