Il est tout d'abord question d'une ivresse amoureuse dans la première strophe, laquelle semble conforme aux topoi de l'amour pétrarquiste. L'amour est ici vu comme un nectar, un vin dont on s'enivre. C'est une boisson que le poète "boit à longs traits". Il semble être un homme assoiffé d'amour, peut-être parce que cela fait longtemps qu'il en est privé... Le lien serait aisé à faire avec Ronsard, qui est déjà âgé (pour l'époque) lors de la rencontre avec Hélène.
Les effets décrits sont les suivants : il est question d'un trouble de l'esprit exprimé par la redondance (figure de style chère à Ronsard) : "D'esprit ni de raison troublé je ne jouis". Peut-être la figure de style n'a-t-elle pour effet que de mettre l'accent sur l'idée... Ou peut-être est-ce une fausse redondance, introduisant une nuance : la perte de l'esprit serait la perte de la faculté de "faire de l'esprit" (...)
[...] La conception ronsardienne de l'amour transparaît donc. Si la première strophe semble nous parler des rêves de l'amant, enivré par le vin, la seconde semble expliquer ce qui se passe chez l'amant éconduit et qui le réalise La femme à laquelle il s'adresse s'est montrée cruelle c'est-à-dire silencieuse, hautaine et indifférente. On comprend qu'il dit cela car elle ne lui retourne pas son amour. La déception "refroidit" alors l'homme après les trop grandes chaleurs de la passion. Dans le poème, sa chaleur naturelle / Se refroidit Il semble que ce soit donc un amour à sens unique, il se consume d'amour pour la jeune femme, mais n'a rien en retour Dans une seconde partie, il va s'agir d'étudier ce que nous apprenons sur cette femme aimée qui se refuse, notamment par l'importance donnée au thème du regard. [...]
[...] Ce regard est ambigu, il nourrit et tue à la fois, il nourrit son amour quand il croit y voir l'étincelle amoureuse et le tue quand il voit qu'elle se réjouit du mal qu'elle lui cause. Les souffrances de l'amant éconduit par une femme inaccessible sont illustrées notamment dans le mythe de Diane et Actéon, que Ronsard avait certainement en tête à l'écriture de ce poème dédié à "une beauté aussi remarquable par son esprit que par sa vertu", Hélène, présentant tant de points communs avec la déesse. [...]
[...] Tel le héros pathétique qui se trouve impuissant face au Destin, le poète est submergé par des forces beaucoup trop puissantes pour lui Certes donc, le poème veut persuader la jeune femme, puisqu'elle est la seule à qui il s'adresse dans le poème, réceptrice unique de sa plainte Mais de quoi veut-il la persuader ? Et pourquoi faire un poème pour cela ? Dans ce poème, il cherche à faire passer un message à Hélène par l'écrit, car il ne le peut par la parole Il le dit lui-même : je n'ose parler tant tes yeux me font craindre La parole orale est frappée de nullité par le regard de la jeune femme, ainsi le poète décide-t-il de prendre la plume et d'avoir recours à l'écrit pour surmonter cette incapacité du langage. [...]
[...] A la première lecture, on peut se demander s'il est tombé amoureux en la regardant dans les yeux ou si les yeux de la femme traduisent l'amour de cette dernière? On ne comprend pas pourquoi il est question de cette amoureuse étincelle qui semblerait dire qu'elle en est amoureuse, or elle le rejette ! En fait, une phrase de Proust qui nous avait marqué il y a quelques temps, et que nous avions relevé, nous a semblé convenir pour éclairer cela : Quand on aime, l'amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous ; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ et c'est ce choc en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne reconnaissons pas qu'elle vient de nous Proust, A l'ombre des Jeunes Filles en Fleurs, Autour de Mme Swann Le poète nous présente les choses comme si c'étaient les yeux qui agissaient pour le rendre amoureux, c'est donc comme si Hélène était responsable de l'amour qu'il éprouve. [...]
[...] Français : commentaire composé Quand à longs traits je bois l'amoureuse étincelle Ronsard Vers 1576 Ronsard rencontre Hélène de Surgères, une des filles de la Cour de Catherine de Médicis, qui vient de perdre son fiancé. Sur la commande de la reine, il consacre un recueil de poésies à la jeune fille, pour tenter de la consoler. C'est pour cela qu'il augmente en 1578 la section des Amours de plusieurs textes nouveaux, les Sonnets pour Hélène, dédiés à "cette beauté aussi remarquable par son esprit que par sa vertu". [...]
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