Dans la deuxième moitié du XXe siècle, on voit se dresser, contre la tradition romanesque, un novateur intransigeant, le nouveau roman, tandis que des « hérétiques » essaient, par des chemins détournés, de réconcilier le roman avec la poésie.
Il existe au moins deux types de romans « à la française » qui se perpétuent avec un succès constant.
Le court roman psychologique inspiré de La Princesse de Clèves retrace à mots choisis, dans ses tours et ses détours subtils, le développement, le plus souvent entravé, d'une passion amoureuse.
[...] Julien Gracq, dans Au château d 'Argol (1939), s'inspire des légendes chères au romantisme allemand et à Wagner. Dans Le Rivage des Syrtes (1951), il nous introduit dans l'univers lourd et somptueux, étouffant et putride, de la Seigneurie imaginaire d'Orsenna. Sans renoncer à ses thèmes habituels, il se rapproche davantage, avec Un balcon en forêt (1958), de notre monde contemporain (l'action prend place dans la forêt des Ardennes pendant la dernière guerre). André Pieyre de Mandiargues (1909-1991), prix Goncourt 1967 pour La Marge, a suivi une évolution analogue : après plusieurs recueils de nouvelles, qui sont autant d'explorations dans le surnaturel et l'inconscient (Musée noir, Soleil des loups), il s'est tourné vers le roman et un merveilleux plus moderne (La Motocyclette) Les romanciers anarchistes, au contraire, partent de la réalité la plus quotidienne, mais la désarticulent ou la désintègrent par des procédés variés. [...]
[...] Presque tous les nouveaux romans ressemblent à des romans policiers où l'énigme resterait insoluble. Le héros de Portrait d 'un inconnu (1948) de Nathalie Sarraute essaye en vain de percer la carapace d'un vieillard et de sa fille, dont les manières l'intriguent. Le soldat de Dans le labyrinthe (1959), d'Alain Robbe-Grillet, erre interminablement dans une ville étrange et monotone, où toutes les maisons se ressemblent, où le même réverbère brille dans la même rue. Le passé nous échappe, le présent se dérobe, et pas plus que le narrateur de L'Emploi du temps (Michel Butor, 1956), nous ne parvenons à les joindre l'un à l'autre. [...]
[...] Il semble, écrit plaisamment Bernard Pingaud, que le roman à la manière de MTM de La Fayette soit devenu pour le jeune écrivain l'indispensable baccalauréat qui ouvre la voie aux études supérieures. Parmi les candidats brillamment reçus à leurs examens, citons le tout premier Philippe Sollers, dont Une curieuse solitude (1958) reprenait le thème éprouvé de l'éducation sentimentale, et Robert Abirached qui a traité, dans L'Émerveillée (1963), de la fascination passagère d'une jeune femme pour un romancier en vogue L'étude de mœurs à la Balzac, vigoureuse et documentée, riche en descriptions, cherche à faire revivre, à travers leurs traits les plus caractéristiques, des êtres ou des milieux. [...]
[...] Toutes ces recherches sont, en définitive, les vraies raisons d'espérer que nous livrent ces romanciers désespérés : ils écrivent pour donner forme à l'informe. La mise à la torture de l'Histoire: elle n'est pas absente, comme on le dit trop souvent, mais elle est torturée, triturée : - discontinuité : Robbe-Grillet parle dans Le Miroir qui revient (1984) du travail du romancier sur la trame trouée du réel, l'écriture comme ensuite la lecture allant de manque en manque pour constituer le récit - principe de contradiction : le roman peut être le lieu de plusieurs versions contradictoires d'une même histoire. [...]
[...] Il y a l 'auteur et un certain Alfred [ . Mais l 'auteur se demande : Quel est le sujet de mon livre à vrai dire . l'homme qui a perdu son image, la vie d'Anthoine célèbre et d'Ingeborg d'Usher, le chant, le réalisme ou la jalousie ? Ce pourrait être le roman de la pluralité de la personne humaine, celui de la création romanesque ou le roman du romancier. Choisissez vous-même. Le nouveau roman Un certain nombre de romanciers, qu'on a voulu regrouper en une école, l'école du nouveau roman, ont prétendu, dès les années 1950, à la fois justifier le besoin d'innover et le satisfaire : le justifier, en montrant, dans des écrits théoriques, qu'il est vain de vouloir représenter notre monde du XXe siècle avec des techniques de narration empruntées au XIXe, voire au xviic siècle ; le satisfaire, en essayant de créer un nouveau type de romanesque et une nouvelle forme de roman La critique du roman traditionnel a été menée par Nathalie Sarraute (L'Ère du Soupçon) et surtout par Alain Robbe-Grillet (Pour un nouveau roman). [...]
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