Par son caractère hybride et parodique des genres qui le précèdent, le roman semble être le premier genre à déconstruire véritablement la muraille de la contrainte formelle. C'est pourquoi Diderot rappelle que le roman de son siècle est parfois vu comme un "tissu d'événements chimériques et frivoles" ("Eloge de Richardson", 1762). Mais l'auteur affirme aussi que certains ouvrages "respirent partout l'amour du bien" et élèveraient par là les goûts et les moeurs du lecteur. Où le roman se situe-t-il par rapport à ces deux pôles que sont la liberté d'écriture et la volonté moralisante ? (...)
[...] Roman et amoralité C'est aussi cette liberté nouvelle qui donne le droit à l'amoralité, voire même à l'immoralité. Dans Justine ou les malheurs de la vertu (1791), Sade choisit de faire triompher le mal. La jeune héroïne va respecter un nombre de vertus répertoriées qui lui attireront autant de malheurs. Sa piété lui vaudra par exemple de tomber dans le piège de libertins sans scrupules. C'est donc le comble de l'injustice que dépeint l'auteur dans son roman pour prôner une absence de morale, mais aussi pour appliquer sa conception du réalisme: hommes hypocrites et pervers, [les romans] servent à vous peindre, à vous peindre tels que cous êtes. [...]
[...] (Sade, Idée sur les romans, 1799). CONCLUSION Ainsi, la définition du roman qui éclot au XVIIIème siècle réside dans une tension entre rôle moral et réalisme. Si la lecture grandit l'âme (Voltaire, L'ingénu, chapitre ce n'est pas toujours en montrant le bien ou en critiquant le mal; c'est aussi en dépeignant l'homme dans son intériorité complexe et sous plusieurs de ses facettes, dont celles de l'amoralité ou de la cruauté. [...]
[...] Ce qui différencie Candide d'un simple conte, c'est l'évolution du héros qui lui confère une certaine profondeur (sa naïveté en effet disparaît au long de ses expériences, acquises par des péripéties). Le personnage romanesque porte en lui une dimension psychologique et se rapproche en ce sens de la réalité du lecteur. Ceci est particulièrement manifeste dans le roman épistolaire, la lettre étant le genre de l'intime par excellence. En effet, avec le roman se développe une littérature de l'intimité, par opposition au théâtre dont les représentations rassemblent un public par définition. [...]
[...] II LE ROMAN COMME GENRE PLUS LIBRE Un genre peu défini En premier lieu, il faut remarquer que le genre romanesque se définit au fur et à mesure qu'il apparaît, voire après coup (ceci explique d'ailleurs le nombre d'essais autour du roman qui apparaissent au cours du siècle). Il n'obéit donc pas à des présupposés de fond et de forme bien établis. Ainsi, Les règles de bienséance et de vraisemblance n'y ont plus force de loi comme au théâtre mais relèvent seulement d'un éventuel désir de l'auteur: André Gide écrivait que le roman est le genre le plus libre, le plus lawless qui soit (Les Faux-monnayeurs, 1925). [...]
[...] Cette forme de captatio benevolentiae se manifeste par une peinture du bien censée montrer l'exemple au public (et qui sert parfois à échapper à la censure). Dans Candide (1759), Voltaire construit un héros qui, bien qu'ingénu, sera irréprochable d'un point de vue moral d'un bout à l'autre de l'œuvre : il ignore le mal au début du texte, et le rejette au fur et à mesure de sa progression jusqu'à énoncer lui-même une moralité sociale il faut cultiver notre jardin De plus, la société juste et idéale est explicitement décrite dans les chapitres 17 et 18 de Candide, à travers cette utopie qu'est l'Eldorado. [...]
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