Dissertation sur le rôle des écrivains. On peut se demander si face aux sujets graves de la vie, le rôle des écrivains est plutôt d'avertir ou bien de divertir leurs semblables. En littérature, les oeuvres sérieuses sont souvent opposés aux ?uvres plus légères, voire comiques. C'est particulièrement net au théâtre où la tragédie est réputée plus noble que la comédie. Qu'en est-il réellement ?
[...] De plus, les écrivains ont une fonction morale et spirituelle. Quant Bossuet, dans son Oraison funèbre à Henriette d'Angleterre, ose interpeller les puissants pour leur rappeler qu'ils sont tous mortels, il outrepasse sa fonction : là où on attendait un discours d'éloges, il prononce un sermon passionné et audacieux, qui fait passer un message essentiel. Ronsard, dans ses Derniers Vers, invite ses amis à le rejoindre dans la mort : à travers da propre déchéance charnelle, c'est sur le sort de chaque être humain qu'il témoigne. [...]
[...] Les écrivains trop sérieux ne contribuent pas à résoudre les problèmes de leurs semblables, puisqu'ils les leur rappellent à longueur de temps. L'image de l'existence se trouverait noircie s'il ne se rencontrait que des œuvres alarmistes. Les lecteurs cherchent donc avant tout un moyen d'évasion à travers la littérature : ils échappent alors à leurs problèmes personnels par la distraction. C'est vraiment le principe même du divertissement. Souvent l'humour est un moyen d'évasion, mais l'aventure, les intrigue sentimentales, la poésie, la fantaisie sont aussi source de distraction. [...]
[...] Bizarrement, nous pouvons penser que les gens semblent trouver du réconfort à la lecture de ce genre de témoignage : ils s'assurent ainsi que le pire est ailleurs, qu'eux-mêmes ne connaissent pas de tels drames, et donc ils peuvent s'en trouver heureux. Le divertissement, dans ces cas-là, n'a rien de très joyeux. C'est plutôt une forme de diversion, qui consiste à oublier ses propres problèmes en leur substituant ceux des autres. On peut bien sûr trouver cette attirance voyeuriste, malsaine Le divertissement, sous ses formes les plus inattendues, est donc bien un des aspects les plus recherchés par les lecteurs. Mais est-il bien sûr que divertissement et avertissement des lecteurs soient inconciliables ? [...]
[...] On peut se demander si face aux sujets graves de la vie, le rôle des écrivains est plutôt d'avertir ou bien de divertir leurs semblables. Les verbes avertir et divertir sont deux composés antithétiques de la même racine latine vertere, versus tourner verbe de mouvement. Ils qualifient deux mouvements opposés de la pensée : avertir (ad vertere : tourner vers indique plutôt un mouvement convergent, alors que divertir (divertire : se séparer de) est plus évidemment divergent. Quand elle prend la forme d'un avertissement, l'écriture s'efforce de condenser l'essentiel, pour en tirer des leçons morales ou existentielles : c'est une entreprise synthétique, a priori sérieuse. [...]
[...] De grands auteurs ont donc réussi à concilier ces deux fonctions de la lecture, faisant de l'humour, de la poésie ou de la science fiction de véritables armes persuasives. Avertir tout en divertissant, c'est d'ailleurs le propre de l'apologue. On peut se réjouir que ce genre soit toujours prisé des auteurs : récemment, Jean-Christophe Rufin a su dénoncer les travers de la mondialisation à travers un très bon roman d'anticipation intitulé Globalia. [...]
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