Roland Barthes utilise un chassé-croisé très fourni de paires de mots antinomiques avec pour effet une insistance sur le fossé prodigieux entre les Blancs et les Noirs. Ainsi, dès la ligne 1, la « douceur » blanche s'oppose aux « mangeurs d'hommes » (l 2) qualifiant les « Nègres ». La « chair blanche » est contraire à la « peau noire », la chair donnant l'impression d'une épaisseur, d'une profondeur alors que la peau n'est qu'une enveloppe superficielle. Le magazine Paris Match attribue aux uns, l'« innocence » (l 19), la « spiritualité » (l 20), « la civilisation » (l 21), l'« âme de la Belle » (l20/21) et aux autres la « cruauté » (l 19), « la magie » (l 20), la « barbarie » (l 21) et l'« instinct de la Bête » (l 20/21) (...)
[...] Il convient au regard que portent les petits bourgeois du siècle sur les peuples d'Afrique, empli de stéréotypes archaïques. Les nombreuses occurrences du on 17) mettent en relief le poids de l'opinion commune. Par les guillemets autour de objective adjectif qualifiant la narration de la revue, l'auteur insinue que le jugement est subjectif et porteur de partis pris. D'ailleurs, il le fait immédiatement suivre par le connecteur d'opposition mais et de la locution en fait 18) qui révèlent que la vérité est tout autre. [...]
[...] Le blanc est installé dans ce mythe dont la confortable position va en s'empirant. L'auteur avec l'expression un peu plus suggère que l'enfermement s'empire et que le blanc n'est pas près de sortir des schémas figés. Il est sous la coupe d'« images que la revue tâche de donner à voir Les mots astuce et opération 22) en disent long sur son stratagème qui consiste à émettre un message de propagande anti-noir qui se profile derrière comme le souligne l'écrivain pour mieux dénoncer cette manipulation de masse. [...]
[...] Conclusion : Dans ce passage, Roland Barthes s'attache à dénoncer la représentation collective éculée que l'Européen a du peuple noir avec lequel il n'entretient qu'une relation e dominant à dominé. Il ridiculise l'Occidental car il se complait dans cette vision simpliste, infantile et pleine de préjugés qui l'empêche d'éprouver de l'empathie, premier pas vers la connaissance d'autrui. Le démontage sémiologique reste pertinent aujourd'hui car la survivance des mythes et la déformation des concepts stigmatisée par l'auteur il y a un demi-siècle est encore vive comme en témoignent les représentations imposées à la masse par la manipulation médiatique. [...]
[...] Il est de nouveau curieux qu'un professeur, là où l'on aurait attendu l'intendant d'un domaine ou d'une compagnie forestière coloniale par exemple, patrouille avec un peloton petite unité militaire à laquelle le lecteur n'ose adjoindre l'expansion nominale d'exécution Même si ce rapport s'inverse parfois, le blanc tire son épingle du jeu. Ainsi, face aux cannibales, Bichon risque en fait d'être mangé (10). Cette voie passive le met en situation d'infériorité et de vulnérabilité mais l'enfant, victime innocente, y gagne un statut de héros. [...]
[...] Dans Mythologies (1957), il donne naissance à une nouvelle forme de critique en dressant un portrait à l'acide de la société contemporaine dont il décrypte les artifices que sont les signes, les mythes et les représentations collectives. Dans Bichon chez les Nègres, il raconte l'histoire d'un couple de professeurs partis explorer l'Afrique, toujours sous la dépendance économique et culturelle des Européens, avec leur très jeune fils Bichon. A quel(s) mythe(s) de la France des années 50 l'auteur s'attaque-t-il dans ce passage ? [...]
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