C'est dans la 3ème partie d'Un roi sans divertissement, vingt ans après la mort de Langlois, que Saucisse formule une épitaphe inattendue : « c'était un homme comme les autres ! » (III, p. 171). Affirmation défensive, certes, puisqu'elle protège la mémoire de son ancienne idole, mais étonnante vue la façon dont Langlois a occupé et occupe encore les esprits... A première vue, et malgré tous les efforts de Saucisse, celui-ci n'a rien d'un homme ordinaire, comme le suggère la réaction du narrateur villageois (...)
[...] il passe par-dessus le manque de preuves et de témoins en exécutant sommairement M.V. Mais, dit-il, il respecte les lois humaines comme par exemple de n'arrêter personne, même pas les plus grands criminels, entre le coucher et le lever du soleil Gendarme peu conventionnel qui interprète et transcende la Loi au nom d'autres lois, Langlois dévoile une sorte d'hybris du jugement qui en fait aussi un asocial masqué, un justicier au-dessus de la justice, entre morale aristocratique et anarchisme de la gâchette (à l'image de son ancêtre mythique, Oedipe Roi, qui élève son jugement au- dessus de l'ordre de la Cité). [...]
[...] un homme comme les autres ou rien de ce qui est humain ne nous est étranger 1. Le point de vue de Saucisse L'énoncé de Saucisse surgit dans un contexte particulier : elle répond ici en gardienne de la mémoire de Langlois aux murmures des villageois. Or, ceux-ci s'interrogent visiblement. Il est question de l'exécution sommaire de M.V., de la manière dont les tribunaux ont été contournés, de l'étrange connivence entre le procureur royal et Langlois (III, p. 172-173), bref de tout ce qui fait le caractère peu orthodoxe du personnage, sans compter le mystère de son suicide retentissant . [...]
[...] était un homme comme les autres ? . (III, p. 171-172). Il faut donc distinguer entre la figure d'exception que Langlois incarne pour le village et la signification que Giono donne à ce spécimen d'humanité pour le lecteur. Un héros n'est jamais comme les autres dans la mesure même où il est constitué en héros, mais il n'est pas pour autant hors-humanité comme le rappelle Saucisse après Langlois et sans doute Giono à travers l'un et l'autre. D'une part parce qu'il est lié au collectif humain au sein duquel il agit, d'autre part parce qu'il incarne et révèle en sa qualité de héros une vision, une interprétation de la condition humaine. [...]
[...] Cette autorité martiale se renforce dans la seconde partie d'une élégance remarquée qui ajoute à son prestige social. A son retour en 1846, paradant sur son cheval noir en redingote serrée et en gibus tromblon p. 102), Langlois frappe les regards : son chapeau est un coup de pied au cul collectif et circulaire à tous ceux qui le regardent (p. 102), tout annonce un personnage d'exception : on se dit : voilà un !', on ne savait pas de quoi, mais c'en était un sûrement. [...]
[...] C'est un homme comme les autres. p à Saucisse), c'est-à-dire un homme qui peut approcher comme les autres le sacrifice divin p au curé), un homme qui a besoin comme les autres de divertir ses tendances morbides par le spectacle symbolique de l'holocauste chrétien. Ce discours sera confirmé dans la 3ème partie par un rappel de Saucisse. Selon Langlois, qui reformule la célèbre maxime de Térence Rien de ce qui est humain ne m'est étranger : il n'y a pas d'étrangers. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture