Personnage à première vue secondaire, Frédéric II constitue néanmoins une pièce majeure dans l'apologue qu'est aussi le roman de Giono : Un roi sans divertissement. Il faut signaler que ce personnage disparaît complètement du film adapté de son roman que Giono a tourné en 1963. Cela montre que le personnage est lié à la très complexe thématique du roman, forcément simplifiée dans le film.
Dès lors, nous examinerons, dans un premier temps, comment la présence de la figure de Frédéric II éclaire le personnage de M. V. dans la section initiale de l'oeuvre. Puis nous analyserons sa fonction dans l'agencement du roman (...)
[...] Pas étonnant qu'il soit devenu un temps une des voix narratives. Nous voyons bien qu'il est essentiel à “l'économie” de l'œuvre. C'est ce que nous allons examiner maintenant. Situons-nous maintenant sur le théâtre des rois, celui de la cruauté, avant d'envisager celui de Dieu, dont Giono ne parle pas, et pour cause, c'est le sien! Même si à première vue le personnage de Frédéric II n'est pas au premier plan, c'est tout de même avec le nom de “Frédéric” que commence le texte proprement dit du roman. [...]
[...] Un instrument du destin (du romancier . Tout bête. Il ne se rend même pas compte que l'homme dénaturé” qui “s'abritait” sous le hêtre pendant l'orage de fin août (à vrai dire, il y attendait une mort foudroyante), et celui qui en descend avec le bruit que ferait serpent qui glisserait contre des branches, de l'écorce” au cœur de l'hiver, est le même. Après avoir sauvé M. V. de la foudre sous le hêtre en été, il le livre l'hiver aux “foudres” de Langlois! [...]
[...] Frédéric” en effet, sont les rois de la scierie, pour qui, de toute façon, le divertissement n'est pas un problème. Ils s'accordent au monde tel qu'il est, et si la scierie se situe à côté de “l'Apollon citharède” des hêtres, ils ne s'en aperçoivent pas. Les arbres poussent pour devenir des planches et le temps leur permet de s'enrichir. Ils y prospèrent! Les chiffres en ordre croissant accolés à leur nom, de I à IV, sont là pour montrer que les Frédéric non seulement durent mais profitent. [...]
[...] Un Dieu qui serait inconscient: l'image même du sort. Il permet en effet à M. V. d'aller au bout de son destin. Il devient aussi, dans le de la fin de la première partie du roman, un “contre-chant” à M.V. dans le sens très exact du terme. En effet, de façon tout à fait simultanée, par une vraie superposition polyphonique, Frédéric II tue le temps de façon à la fois analogue et opposée à celle de M.V. Giono était un grand amateur non seulement d'âmes, mais de musique classique, d'opéra certes, mais aussi de polyphonies et de symphonies, et il considère sa chronique comme un opéra-bouffe. [...]
[...] Et Frédéric II joue à son insu, comme nous l'avons déjà dit, le rôle d'un contre-sujet essentiel dans le roman qu'orchestre Giono. Car Frédéric II est le contrepoint de l'autre roi, sans divertissement, lui, dans le premier thème de l'œuvre, celui du hêtre, ou de l'être . Ce Frédéric II qui goûte à une éternité sereine et paisible dans son royaume de scierie (ou de Syrie?) s'oppose bien sûr au roi qui sert” de l'être ou du hêtre autrement, M. V. Deux rois donc, en regard, en miroir, comme deux thèmes d'une fugue. [...]
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