Ainsi que l'attestent certains documents du corpus présenté, nombre d'auteurs choisissent de s'exprimer sur le mode humoristique, y compris sur des sujets qui a priori ne prêtent pas à rire. Céline et Plantu nous font sourire de la guerre : en ont-ils le droit ? La question est d'ordre moral, bien sûr, mais plus encore d'ordre esthétique. S'il existe quelques dangers à représenter de façon amusante certaines questions graves, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit là d'un mode de représentation très habituel dans la littérature ; pour autant, l'humour et le rire sont porteurs d'ambiguïtés qu'il convient de regarder de plus près (...)
[...] Contrairement à Zola, des romanciers comme Maupassant et Vallès adoptent souvent le registre humoristique. Une nouvelle comme La Maison Tellier est un petit chef d'œuvre de drôlerie : Maupassant donne à voir les petits bourgeois de Fécamp très perturbés par la pancarte incongrue qu'ils découvrent sur la porte de la maison close où ils ont leurs habitudes : Fermé pour cause de Première Communion. Mais au-delà de son côté canularesque, la nouvelle, tout comme d'autres (Une partie de campagne) est une critique très violente d'une certaine hypocrisie sociale qui maintient les femmes dans une condition servile. [...]
[...] Le premier but d'un auteur n'est- 2 il pas de plaire ? L'humour est par ailleurs un moyen très sûr de représenter ce qu'on souhaite critiquer. Plaire, telle semble être la préoccupation majeure de beaucoup d'écrivains. voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n'est pas de plaire1 dit Molière. Aussi, très souvent va-t-on aborder des questions sérieuses de façon apparemment légère. Tel est le choix du Montesquieu des Lettres persanes qui préfère à un lourd et difficile ouvrage la légèreté brillante de l'échange épistolaire entre Persans. [...]
[...] Je ne sais si dans la foule des morts on distingue les morts vainqueurs par une cocarde2. Les vivants, vainqueurs ou non, ont la cocarde, la double cocarde. Ce sont leurs yeux. Nous, nous avons deux yeux, mes pauvres amis. Nous voyons le soleil. Nous faisons tout ce qui se fait dans le soleil. Nous mangeons. Nous buvons . Et dans le clair de lune! . [...]
[...] On peut lui préférer le lyrisme d'un Prévert ou la colère de Guernica, sans pour autant remettre en cause sa légitimité Documents annexes cités dans la dissertation: Plantu, Le Monde février 1994 Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, acte II, scène Le héros et général troyen Hector -au fond pacifiste - doit prononcer un discours aux morts, alors que les ennemis grecs sont en train de débarquer. Il se place au pied des portes1. HECTOR. - ô vous qui ne nous entendez pas, qui ne nous voyez pas, écoutez ces paroles, voyez ce cortège. Nous sommes les vainqueurs. Cela vous est bien égal, n'est-ce pas ? Vous aussi vous l'êtes. Mais, nous, nous sommes les vainqueurs vivants. C'est ici que commence la différence. C'est ici que j'ai honte. [...]
[...] Distance, c'est ici le maître mot. Si Céline, Plantu et bien d'autres nous font sourire, ce n'est pas, bien sûr, par cynisme ou par insensibilité. Ce qu'ils cherchent avant tout, c'est à provoquer une prise de distance, une prise de conscience chez leur lecteur. Mieux que d'autres registres la tonalité humoristique autorise la distance, car elle provoque un salutaire sursaut, une bénéfique indignation, celle-là même qui peut provoquer les réticences évoquées plus haut. Là où le lyrisme et le pathétique font naître des larmes qui bien souvent soulagent et apaisent, l'humour provoque, scandalise, interpelle. [...]
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