Dans "<strong>Le Chevalier de la charette</strong>", ce n'est que tard dans l'oeuvre que Chrétien de Troyes nous révèle l'identité de son héros. Quel rôle joue la perte de cet anonymat dans la lecture du roman et pourquoi se fait-elle précisément au moment du duel contre Méléagant ?
[...] On a donc ici une figure christique de Lancelot, qui a pour tâche de délivrer les gens de Logres du tourment. L'auteur a donc choisi de lever le voile sur l'identité de son personnage lorsque celui-ci est à son apogée. Plusieurs fois auparavant dans l'œuvre, il est demandé à Lancelot son nom, mais il refuse toujours de le donner, que ce soit à la demoiselle qui l'accompagne durant une partie de son périple ou au moine qui lui montre le cimetière. [...]
[...] Pour commencer, la valeur de Lancelot ne cesse d'augmenter au cours du roman. En effet, il est tout d'abord un inconnu, puis, pire, devient le chevalier qui est monté dans la charrette, ce qui le déshonore et l'humilie. Après moult prouesses, il se transforme en Lancelot, chevalier de la table ronde de grand mérite ; l'affront de la charrette est alors lavé. Dévoiler d'emblée l'identité de ce chevalier, outre le fait que cela aurait nuit au suspens de l'histoire, aurait donc semblé étrange, puisqu'au départ, ce chevalier nous est présenté comme misérable ; ce qui est paradoxal avec le prestige qui entoure le nom de Lancelot. [...]
[...] La preuve en est que, par son intervention, Lancelot prend le dessus sur Méléagant, incarnation du Mal. Notons également que cette jeune fille en question est nommée pucelle (v. 3691), ce qui prouve sa pureté. Elle a donc une connotation religieuse, elle annonce le Sauveur venu libérer non seulement la reine, mais également tout les habitants de Logres retenus prisonniers. Enfin, le fait que son nom soit prononcé métamorphose Lancelot, le ressuscite ; il prend ici une dimension de Sauveur, assimilable au Christ. [...]
[...] Lancelot est la représentation idéalisée du chevalier courtois, de la fin'amor. Tout d'abord, c'est un chevalier guidé par l'amour. En effet, l'objet de sa quête est de retrouver sa dame, la reine Guenièvre, et il est prêt à tous les périples pour cela, y compris endosser le déshonneur de monter dans la charrette, comme il est dit aux vers 341 à 344 : Quant tu verras / Charrete et tu l'ancontreras, / Fei croiz sor toi et te sovaigne / De deu, que max ne t'an avaigne. [...]
[...] Là, il rencontre enfin Méléagant, qui a enlevé la reine Guenièvre. S'engage alors un duel opposant ces deux personnages. C'est lors de ce combat que nous est révélé l'identité de Lancelot. On peut alors se demander pourquoi l'auteur a décidé de nous dévoiler précisément ici le nom de son héros, et quel rôle joue cette perte de l'anonymat. Nous verrons en ce sens que cette révélation va de pair avec un accomplissement de Lancelot en tant que chevalier, puis que cet accomplissement n'est rendu possible que par la présence de la reine, envers laquelle Lancelot est un parfait chevalier courtois. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture