Victor Hugo, chef de file du mouvement romantique français, écrit Les Contemplations en 1856. L'un des poèmes de ce recueil, Réponse à un acte d'accusation, est l'occasion pour lui de revenir sur les évolutions qu'il a apportées en littérature, et dont ses adversaires lui font grief.
L'extrait étudié illustre la révolution romantique menée en littérature par Hugo : dans une première partie satirique, il critique la séparation des genres propre à la littérature classique l. 1-19, avant de mettre en avant, dans un registre épique, la révolution romantique qu'il mena pour briser ces règles trop strictes l. 20-fin. Nous montrerons comment Hugo insiste sur la modernité du romantisme en assimilant le classicisme à l'Ancien régime et la révolution romantique à celle de 1789 (...)
[...] Il est donc impossible de faire communiquer ces deux univers littéraires. C'est ce cloisonnement que la révolution romantique menée par Hugo remet en cause du vers 20 à la fin : Je m'écriai :Pourquoi / ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? Les romantiques démantèlent cette séparation des genres : plus de mot sénateur, plus de mot roturier Aristote, philosophe grec qui est à l'origine de cette séparation classique des genres et des styles, et dont la Poétique sert de référence aux classiques, est bafoué : Je montai sur la borne Aristote, et déclarai les mots égaux, libres, majeurs Hugo justifie cet attentat aux traditions littéraires par une phrase de vérité générale : Pas de mot où l'idée au vol pur / Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! [...]
[...] Le texte ne se contente donc pas de définir un nouvel ordre littéraire, il illustre celui-ci et le met en œuvre. Hugo se vantera ailleurs d'avoir disloqué ce grand niais d'alexandrin Conclusion C'est l'opposition à la tradition classique qui est mise en valeur par ce poème. Hugo insiste sur la modernité du romantisme en l'associant à l'épisode de la Révolution, et raille l'archaïsme du classicisme (qui a encore des partisans à son époque, choqués par les audaces romantiques) associé à la société inégalitaire et injuste de l'Ancien Régime. [...]
[...] II] Les analogies historiques. Or cette révolution littéraire est mise en valeur et justifiée par des analogies historiques. Hugo assimile le classicisme à la société d'Ancien Régime, et le Romantisme à la société post-révolutionnaire (moderne). A l'époque classique, Hugo nous décrit à l'imparfait d'habitude vivaient regardait criait une société des mots qui est une société de classes. Cela passe bien sûr par une personnification systématique des mots, qui sont bien ou mal nés : les mots nobles s'opposent aux mots plus grossiers qui sont des gueux des drôles patibulaires des marauds Les lieux fréquentés par ces individus reflètent leur classe sociale : aux uns Versailles et les carrosses du roi aux autres les galères de l'argot, voire le bagne quand ils sont coupables d'être familiers, ou les halles quand ils sont seulement populaires. [...]
[...] L'âge classique, décrit des vers 1 à 19, est en effet caractérisé par la séparation très nette des genres nobles tels que la tragédie, et des genres bas, comme la comédie. Chacun de ces genres a son propre vocabulaire, les mots sont inégaux et restent parqués en castes Les antithèses opposent la vulgarité des uns et la noblesse des autres : les uns, nobles vers les autres, tas de gueux vers 5. Les premiers sont employés dans la tragédie, illustrée par les personnages suivants : les Phèdres, les Jocastes, / les Méropes Les autres issus des patois ou de l'argot sont dévoués à tous les genres bas à savoir la prose et la farce Ils sont marqués du F (familier) par le grammairien classique Vaugelas. [...]
[...] Plus de mot roturier Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes . Il y a alors ironie en raison de ce décalage entre la forme (classique) et le sens (révolutionnaire), par exemple quand Hugo utilise un parfait trimètre pour sa pointe finale Je nommai le cochon par son nom : Pourquoi pas Mais il alterne ces formes régulières avec des formes disloquées d'alexandrin, qui cette fois illustrent la révolution qu'il fait subir à cette forme, en déplaçant la césure par exemple : Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers ne peut se couper en 6/6 mais en 7-5 : Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers De la même manière, il multiplie enjambements et rejets. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture