René Char, "Les feuillets d'Hypnos", Feuillet CXXVIII : fiche de lecture
Télécharger
Lire un extrait
Lecture
Résumé
Sommaire
Extraits
sur 3
Résumé du document
Fiche de lecture niveau Lycée sur le feuillet CXXVIII de l'ouvrage Les feuillets d'Hypnos de René Char. Quelle originalité présente ce texte ?
Sommaire
Introduction
I) Présentation de l'auteur II) Présentation de l'oeuvre
III) Lecture analytique
A. Une anecdote historique B. Un récit autobiographique 1. Autobiographie 2. Le témoin de l'héroïsme des villageois
Conclusion
Texte étudié
Le boulanger n'avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà le village était assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans l'impossibilité de bouger. Deux compagnies de S.S. et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l'épreuve.
Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. Les clés sur les portes. Un vieux, dur d'oreille, qui ne tenait pas compte assez vite de l'ordre, vit les quatre murs et le toit de sa grange voler en morceaux sous l'effet d'une bombe. Depuis quatre heures j'étais éveillé. Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l'alerte. J'avais reconnu immédiatement l'inutilité d'essayer de franchir le cordon de surveillance et de gagner la campagne. Je changeai rapidement de logis. La maison inhabitée où je me réfugiai autorisait, à toute extrémité, une résistance armée efficace. Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les allées et venues nerveuses des occupants. Pas un des miens n'était présent au village. Cette pensée me rassura. À quelques kilomètres de là, ils suivraient mes consignes et resteraient tapis. Des coups me parvenaient, ponctués d'injures. Les S.S. avaient surpris un jeune maçon qui revenait de relever des collets. Sa frayeur le désigna à leurs tortures. Une voix se penchait hurlante sur le corps tuméfié : « Où est-il ? Conduis-nous », suivie de silence. Et coups de pied et coups de crosse de pleuvoir. Une rage insensée s'empara de moi, chassa mon angoisse. Mes mains communiquaient à mon arme leur sueur crispée, exaltaient sa puissance contenue. Je calculais que le malheureux se tairait encore cinq minutes, puis, fatalement, il parlerait. J'eus honte de souhaiter sa mort avant cette échéance. Alors apparut jaillissant de chaque rue la marée des femmes, des enfants, des vieillards, se rendant au lieu de rassemblement, suivant un plan concerté. Ils se hâtaient sans hâte, ruisselant littéralement sur les S.S., les paralysant « en toute bonne foi ». Le maçon fut laissé pour mort. Furieuse, la patrouille se fraya un chemin à travers la foule et porta ses pas plus loin. Avec une prudence infinie, maintenant des yeux anxieux et bons regardaient dans ma direction, passaient comme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je me découvris à moitié et un sourire se détacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre.
J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice.
Introduction
I) Présentation de l'auteur II) Présentation de l'oeuvre
III) Lecture analytique
A. Une anecdote historique B. Un récit autobiographique 1. Autobiographie 2. Le témoin de l'héroïsme des villageois
Conclusion
Texte étudié
Le boulanger n'avait pas encore dégrafé les rideaux de fer de sa boutique que déjà le village était assiégé, bâillonné, hypnotisé, mis dans l'impossibilité de bouger. Deux compagnies de S.S. et un détachement de miliciens le tenaient sous la gueule de leurs mitrailleuses et de leurs mortiers. Alors commença l'épreuve.
Les habitants furent jetés hors des maisons et sommés de se rassembler sur la place centrale. Les clés sur les portes. Un vieux, dur d'oreille, qui ne tenait pas compte assez vite de l'ordre, vit les quatre murs et le toit de sa grange voler en morceaux sous l'effet d'une bombe. Depuis quatre heures j'étais éveillé. Marcelle était venue à mon volet me chuchoter l'alerte. J'avais reconnu immédiatement l'inutilité d'essayer de franchir le cordon de surveillance et de gagner la campagne. Je changeai rapidement de logis. La maison inhabitée où je me réfugiai autorisait, à toute extrémité, une résistance armée efficace. Je pouvais suivre de la fenêtre, derrière les rideaux jaunis, les allées et venues nerveuses des occupants. Pas un des miens n'était présent au village. Cette pensée me rassura. À quelques kilomètres de là, ils suivraient mes consignes et resteraient tapis. Des coups me parvenaient, ponctués d'injures. Les S.S. avaient surpris un jeune maçon qui revenait de relever des collets. Sa frayeur le désigna à leurs tortures. Une voix se penchait hurlante sur le corps tuméfié : « Où est-il ? Conduis-nous », suivie de silence. Et coups de pied et coups de crosse de pleuvoir. Une rage insensée s'empara de moi, chassa mon angoisse. Mes mains communiquaient à mon arme leur sueur crispée, exaltaient sa puissance contenue. Je calculais que le malheureux se tairait encore cinq minutes, puis, fatalement, il parlerait. J'eus honte de souhaiter sa mort avant cette échéance. Alors apparut jaillissant de chaque rue la marée des femmes, des enfants, des vieillards, se rendant au lieu de rassemblement, suivant un plan concerté. Ils se hâtaient sans hâte, ruisselant littéralement sur les S.S., les paralysant « en toute bonne foi ». Le maçon fut laissé pour mort. Furieuse, la patrouille se fraya un chemin à travers la foule et porta ses pas plus loin. Avec une prudence infinie, maintenant des yeux anxieux et bons regardaient dans ma direction, passaient comme un jet de lampe sur ma fenêtre. Je me découvris à moitié et un sourire se détacha de ma pâleur. Je tenais à ces êtres par mille fils confiants dont pas un ne devait se rompre.
J'ai aimé farouchement mes semblables cette journée-là, bien au-delà du sacrifice.
Accédez gratuitement au plan de ce document en vous connectant.
Extraits
[...] Assonance en é ligne 12 assonance en i lignes 10-11 assonance en en lignes 25-26 allitération en de ligne 13 allitération en cou ligne 20 il y a un travail sur le rythme par la ponctuation et les phrases nominales très courte. Les deux mots en italiques sont deux éléments qui concentre la peur du héros les mots entre les guillemets soulignent l'innocence des villageois la qualité des images dégrafé les rideaux de fer qualifie un vêtement mes mains communiquaient à mon arme métonymie et personnification des mains qui exprime la peur. la gueule de leur mitrailleuse métaphore où on évoque la bestialité des SS. L'hyperbole mille fils exprime l'intensité de sa reconnaissance. [...]
[...] On file la métaphore de l'attachement avec fils et rompre ici les images poétiques renforce le lyrisme du texte en donnant une valeur particulièrement à ce qui est ineffable. Conclusion: Ce texte est particulièrement originale de part de son témoignage historique précis porté par un narrateur qui élève son histoire personnelle à une expérience universelle de la solidarité humaine. La forme du texte en prose, plus familiarisé par le lecteur sert son message tout en mettant en avant une poésie puissante par ces images et ces échos sonores. [...]
[...] Jusqu'en 1936, il va publier des textes surréaliste et il participe à une revue Le surréalisme au service de la révolution Il travaille en collaboration avec des peintres comme Kandinski en 1934 sur Le Marteau sans maître ou encore Picasso en 1936 sur Dépendance de l'adieu Cependant René Char n'est pas complétement satisfait de sa vie poétique et il est à la recherche d'une poésie plus essentiel. 1936-1946, il retourne en Provence et va commencé à proposer une poésie engagée. En 1937, il publie Placard pour un chemin des écoliers qui évoque le sort des enfants massacrés pendant la guerre d'Espagne. En 1939, il est mobilisé et va se battre en Alsace. Mais rejoint très vite l'armée secrète sous le nom de résistant Alexandre. En 1943, il intègre les FFC (Forces Française Combattante) et va s'illustrer sur les combats. [...]
[...] Sa création poétique va être sur l'éloge de la provence et va collaborer avec des peintres (il va travailler avec Giacometti, Braque, Nicolas de Stael) Il sera de plus en plus exigent et entamera une réflexion philosophique avec Heidegger. Sa célébrité lui vaut un musée ouvert de son vivant. Présentation de l'œuvre : Les Feuillets d'Hypnos, Hypnos représente le fils de la nuit et le frère jumeau de Thanatos dans la mythologie Grec. Pour René Char, c'est le nom d'un personnage imaginaire poète et résistant qui serait l'auteur des Feuillets. Il y a donc 237 fragments (il y a des maximes, des anecdotes, des souvenirs, des extraits de lettres, des méditations, des ébauches de poème . [...]
[...] Anecdote historique : contexte historique qui évoque les SS, des miliciens. L'anecdote rappel une pratique courante pendant la seconde guerre mondiale qui consistait aux forces concurrentes de prendre en otage tout un village soit pour avoir des renseignements, soit pour punir un réseau de résistance. Champs lexical de l'occupation avec rythme ternaire le village était assiégé, baillonné, hypnotisé vocabulaire d'armes de guerre: mitrailleuse mortiers arme crosse II- Un récit autobiographique: Autobiographie je représente l'acteur, le narrateur et le témoin il va rapporter les événements sous la forme de focalisation interne et va nous décrire tout ses sentiments à travers des verbes j'eus honte une rage exalte j'ai aimé farouchement révèle un registre lyrique dans ce texte, le poète a hésité entre la peur d'être trahie et la joie infini d'être l'objet d'autant de fraternité. [...]