Les trois éléments qui déterminent le tragique d'un personnage sont la fatalité qui le frappe sans qu'il puisse rien y changer, l'alternative mortelle à laquelle il est confronté, et l'impossibilité pour le lecteur de décider s'il est ou non réellement coupable. Phèdre a bien souvent été considérée comme l'aboutissement de l'art racinien, comme l'héroïne tragique par excellence. Il dit lui-même dans sa préface qu'elle « n'est ni tout à fait coupable ni tout à fait innocente » (...)
[...] Doit-on pardonner à un passionné de se comporter de manière irraisonnée ? Ces questions encore aujourd'hui agitent le droit international quand il s'agit de condamner un névrosé. Phèdre quant à elle décide de faire la justice elle-même et se punit de la peine capitale. Mais à l'issue des divers points que nous venons d'aborder, il reste difficile de trancher entre sa culpabilité et son innocence. Cela maintien Phèdre, comme Racine l'a souhaité, dans une position ambiguë qui lui confère le statut d'héroïne tragique. [...]
[...] Elle cherche au contraire à se rendre odieuse aux yeux d'Hippolyte, pour que lui retournant une haine réciproque, il ne finisse par lui devenir indifférent, sinon détestable. En désespoir de cause, elle finit par obtenir de Thésée l'exil de son beau fils dans l'espoir que la distance finisse par lui rendre la raison. Et quand le destin lui impose finalement une cohabitation forcée avec ce dernier, elle décide, submergée par sa passion, de se laisser mourir pour expier sa faute. [...]
[...] Elle semble ne pas pouvoir échapper aux volontés divines et à leurs regards qui la suivent partout. Dans le moindre rayon de soleil, elle reconnaît son grand père Hélios et se sent aliénée à leurs volontés comme en témoigne ces vers : Où laissé-je égarer mes vœux et mon esprit ? / Je l'ai perdu les dieux m'en ont ravi l'usage (v.180/181) Mais loin de se résigner à la fatalité dont elle est victime, elle fait tout son possible pour s'en délivrer. [...]
[...] D'autre part, elle n'a de cesse de se délester de sa culpabilité sur Oenone. Par trois fois, au cours de la pièce, elle lui reproche d'être la seule coupable de ce qui se produit. Le ciel mit dans mon flanc une flamme funeste/ La détestable Oenone a conduit tout le reste (v.1625/1626). Cette démission de sa responsabilité est d'autant plus lâche qu'elle lui permet plusieurs fois de se décharger des taches honteuses sur sa confidente et d'ensuite les lui reprocher comme si elles étaient le fait de sa seule initiative. [...]
[...] Phèdre a bien souvent été considérée comme l'aboutissement de l'art racinien, comme l'héroïne tragique par excellence. Il dit lui-même dans sa préface qu'elle n'est ni tout à fait coupable ni tout à fait innocente Cet équilibre reste cependant très fragile. Difficile de dire si elle est toujours responsable de ses actes malgré les interventions divines, la fatalité qui frappe sa lignée et l'obscurcissement de sa raison par la souffrance morale et l'affaiblissement physique. Égarée, mourante, elle tente en vain de conserver le contrôle sur sa raison déclinante et sur ses passions dévorantes. [...]
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