Oenone a calomnié Hippolyte auprès de son père (IV, 1) et celui-ci l'a maudit (scène 2). Phèdre vient alors pour innocenter Hippolyte, mais Thésée lui apprend qu'Hippolyte et Aricie s'aiment, que c'est là d'après lui un "frivole artifice" pour se dégager de l'accusation. A cette révélation, Phèdre garde le silence ; elle ne dit pas la vérité. La jalousie l'y a poussée, jalousie qui commence à s'exprimer dans le monologue de la scène 5, et qui se développe dans la 6.
La jalousie de Phèdre, liée à l'existence d'Aricie, descendante des Pallantides massacrés par Thésée pour le trône d'Athènes, est une innovation de Racine. Par jalousie, la reine se décide à un silence qui va tuer Hippolyte ; elle devient dès lors une figure complètement coupable. Ce thème nouveau de la jalousie est un ressort essentiel du tragique, ressort cette fois bien humain et non déterminé par une fatalité divine, et intérieur au personnage (...)
[...] Un quatrain, qui s'ouvre sur l'expression typique de la douleur Hélas approfondit la création masochiste. Licence veut dire liberté, et c'est ce qui a été refusé à Phèdre, de même que la lumière ciel, jours, clairs, sereins qui est mise en parallèle avec l'innocence de cet amour. Tout s'oppose à la situation de Phèdre, et la récurrence de la 3ème personne annonce le repli mortifié sur le je et sa solitude. La facilité, la répétition (imparfait et groupe nominal tous les jours sont insupportables. [...]
[...] Cette victimisation rappelle la fin de la scène d'aveu à Hippolyte, où elle demandait à être frappée. La fin de la tirade se caractérise par la lucidité et un certain contrôle de la douleur, le rythme est d‘ailleurs plus apaisé. Les deux participes présents nourrissant et déguisant traduisent l'effort et la durée, l'héroïne ayant encore quelques forces pour vivre le déchirement manifesté par l'antithèse serein/alarmes Phèdre vit son amour d'une manière inversée par rapport à celle des deux amants : à loisir tente de répondre à leur licence ; ils vivent leur amour en plein jour, tandis qu'elle doit déguiser ; ils goûtent le bonheur, elle jouit de son malheur, n'ayant rien d'autre. [...]
[...] L'obsession de la lumière et de la pureté ramène au thème de la culpabilité ; le je n'est donc pas seulement l'expression d'une solitude, mais aussi celle d'un examen de soi. Phèdre, encore une fois, rappelle son histoire passée. Avec le vers 1243, l'héroïne montre son oscillation entre Eros et Thanatos, désir et mort, qui sont les deux pôles de l'amour racinien. Les quatre rimes en é confirment que Phèdre chante sa plainte, et que l'amertume qu'elle goûte (le fiel est un plaisir masochiste, tout à fait explicite dans le vers 1248, dont l‘oxymore funeste plaisir traduit le dérèglement. [...]
[...] Alternance entre interrogatives et exclamatives : oppositions insupportables qui sont le fruit de l'égarement (le verbe est mentionné), antithèses répétées entre Phèdre et Thésée, et même un chiasme aux vers 1265-1266 : Moi-Thésée/Mon époux-moi ; l'héroïne reprend conscience des faits, et Hippolyte redevient impossible à nommer qui? / le coeur On peut imaginer un silence lourd de sens entre les pauses des questions. L'horreur du crime, redécouverte, débouche sur l'épouvante : Phèdre se définit comme une hyperbole du crime passer la mesure et se résume en un vers, le 1270 : inceste pour cet amour interdit, et imposture pour avoir laissé calomnier Hippolyte. [...]
[...] L'allitération en dentales du v traduit le choc du père, dans une image vue presque au ralenti. Il y a un crescendo jusqu'à Pardonne dans le rythme et les sonorités. L'horreur que Phèdre a pour elle-même la conduit à faire de son père le bourreau de son sang - le crime de Phèdre a renversé l'univers et la nature (les liens du sang) : Toi-même en tête, insistance redoublée par les sonorités des dentales. La lecture chrétienne est facilitée par l'indétermination de ce dieu cruel et non la mention explicite de Vénus. [...]
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