Il s'agit de l'entrée en scène de Phèdre. Bien qu'elle soit l'héroïne, elle n'apparaît que dans douze scènes sur trente : c'est un personnage rare et attendu. Thésée est absent depuis six mois ; Hippolyte est sur le point de partir à sa recherche, mais ce départ est aussi une fuite devant l'amour qu'il sent naître en lui pour Aricie. Phèdre se laisse mourir mystérieusement, et Oenone essaie de comprendre pour la sauver.
Ce passage a été préparé par la scène 1, où l'on apprend que la reine avait obtenu l'exil de son beau-fils à Trézène, et que "La fille de Minos et de Pasiphaé" (v.36) s'est comportée envers Hippolyte comme une "Dangereuse marâtre" (v.39) (...)
[...] Je le vis, donc) je rougis, mais) je pâlis à sa vue Assonance lancinante du i pour la douleur et schéma vocalique complet et varié : C'est le regard qui déclenche tout, comme le montre ce vers avec sa structure circulaire (je vis/sa vue). Il y a immédiatement effet physique concret, et antithèse. Tout ce quatrain développe en crescendo le trouble physique. Les antithèses se multiplient. Le regard la rend aveugle et muette ; elle a été foudroyée. Le parallélisme exprime aussi la rapidité des effets, comme une mécanique. Phèdre ne se possède plus du tout. Reprise d'un thème baroque et précieux dans l'hémistiche : et transir et brûler (on peut remonter jusqu'à Louise Labé). [...]
[...] La progression dramatique est rendue également par l'alternance entre phrases exclamatives et interrogatives, de part et d'autre. Tout en parlant, Phèdre ne dit rien ; elle tente de faire reculer l'aveu ou de le retarder. Mais elle traite par trois fois le thème de l'amour, associé aux égarements à la blessure, aux fureurs ; l'amour est donc vu comme passion destructrice. Phèdre, avec l'anaphore Ô et une triple exclamation (v.249-250), fait allusion à la passion déraisonnable de Pasiphaé pour le taureau de Crète (Vénus et Neptune se sont liés : Vénus punit les descendantes du Soleil ; Poséidon punit la femme de Minos). [...]
[...] Phèdre apparaît donc comme héroïne tragique, victime de Vénus, et fruit d'un sang déplorable Après la mère et la sœur, c'est à Phèdre de s'inscrire dans la malédiction. La montée de l'aveu. Elle ne reprend l'interrogation Aimez-vous? que par une périphrase : elle découvre les mots peu à peu, c'est une manière de voiler et de dévoiler. La fureur évoquée atténue encore sa responsabilité ; mais il faut noter aussi la différence de catégorie des personnages (la nourrice/la reine). Le pathétique envahit le texte, par l'impression de halètement (rythmes, suspens, répétition du verbe). [...]
[...] La dernière réplique de la nourrice fait d'Oenone une pleureuse, avec l'accumulation des exclamatives, l'anaphore triple, et la question sans réponse. La confession. Étapes : naissance de cet amour / coup de foudre (v.269-276) vaines tentatives d'échapper à ce mal (v. 277-306) : - apaiser Vénus par des prières (mais Hippolyte devient la divinité adorée, et prend même le visage de son père) : v.277-288 - persécuter et éloigner Hippolyte (mais c'est Thésée lui-même qui vient mettre Phèdre sous sa protection à Trézène) : v.291-306 culpabilité et désir de mourir (v.307-316) Naissance de l'amour / coup de foudre. [...]
[...] La brutalité de la naissance de l'amour est exprimée par : à peine et le passé simple ; par la cassure que le dernier vers impose à l'expression du repos et par l'antithèse entre repos et ennemi Il y a expression de la fatalité dans le superbe ennemi (car obstacle à sa vertu), placé en fin de vers. Hippolyte n'est encore nommé que par périphrase. La passion a un caractère foudroyant ; elle bouleverse le corps. Désordre physique et psychologique. [...]
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