En faisant représenter Britannicus devant le Roi et sa cour, Jean Racine veut opposer au sage Roi Soleil l'un des pires tyrans de l'histoire romaine, l'empereur Néron.
Dans la scène 4 de l'acte IV, ce dernier, dominé par ses passions, vient de renoncer à empoisonner son rival en politique et en amour, Britannicus : c'est du moins ce qu'il a promis à son gouverneur Burrhus. Mais voici le mauvais conseiller, Narcisse, qui remet en cause la sage décison de Néron (...)
Sommaire
I) Préparation
A. Les arguments de Narcisse : six arguments successifs
B. Les sentiments qu'il tente de provoquer chez Néron
1. La peur et la jalousie : échec
2. L'amour-propre : succès de Narcisse
C. Les signes de la faiblesse de Néron
II) Commentaire
[...] Face à Narcisse, il revient aussitôt sur ses engagements et change à nouveau d'avis. Docile et désemparé, il se contente de poser des questions : veux-tu que je fasse (v. 1423) ou d'opposer un état de fait : “J'ai promis à Burrhus” (v. 1456). Il est incapable d'opposer à Narcisse les arguments entendus dans la scène précédente : sans doute ne les a-t-il pas réellement assimilés Néron apparaît aussi hésitant, indécis. Un souverain, roi ou empereur, a le droit d'hésiter : c'est pour cela qu'il a des conseillers, qu'il recueille leurs avis avant de prendre sa décision, qui ensuite ne varie plus. [...]
[...] Narcisse veut faire passer la mort de Britannicus pour normale et parle comme si sa grâce était un “sacrifice” pour Néron ! L'empereur reste inflexible : ne le compte plus parmi mes ennemis” (v. 1413) ce qui est une affirmation plus qu'un argument ! Mais quand Narcisse fait croire à Néron que sa mère se vante de le soumettre à son gré en lui imposant un “silence modeste” (v. 1420), l'empereur réagit vivement et rêve de la punir, sans savoir comment. [...]
[...] Dans le mal aussi, l'empereur est incapable de dire Je : “Allons voir ce que nous devons faire”. Néron est avant tout un homme soumis à ses “passions”, incapable de se dominer et de résister aux pulsions qui l'agitent. A la suite de son entretien avec Burrhus, il essaie pourtant : vaincrai le mien [mon v Mais cette fermeté toute neuve ne dure pas. Dès que Narcisse vient exciter son amour-propre, Néron ne se contrôle plus, réagit dans un sursaut de fierté et devient dès lors très facilement manipulable. [...]
[...] Il objecte à son affranchi le soin qu'il a de sa renommée, il ne veut pas être un (v. 1428), un “empoisonneur” (v. 1430) ou un “parricide” (v. 1431). Pour Narcisse, ce n'est pas un obstacle : [Les Romains] “adorent la main qui les tient enchaînés” (v. 1442). De même, le serment fait à Burrhus ne tient pas : ce n'est, à l'en croire, qu'un intrigant sans scrupules, de même que tous ses autres maîtres (Sénèque qui “n'ont tous qu'une même pensée” (v. [...]
[...] 1461), en jouant sur sa peur du ridicule et de la moquerie (“Ignorezvous tout ce qu'ils osent dire v. 1467). En cela, Racine est bien de son époque, qui considérait l'amour-propre comme la première des passions, la plus dangereuse, celle qui engendrait toutes les autres. Cette scène illustre ce qu'écrivait La Rochefoucauld (p. 178) : “L'amour-propre est plus habile que le plus habile homme du monde”. L'argumentation de Narcisse est d'autant plus efficace que Néron se montre ici d'une faiblesse et d'une immaturité inquiétantes. [...]
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