[...] Situation :
Cet extrait se situe au début de la pièce, composée de 5 actes, plus précisément à la scène 2 de l'acte II, des vers 382 à 406. Néron confie à Narcisse qu'il est tombé amoureux de Junie lors de l'enlèvement de cette dernière. Par sa rhétorique, Narcisse amène l'empereur à s'expliquer sur les raisons de cet amour
[...] Structure :
Nous verrons tout d'abord, dans les vers 382 à 385 de quelle façon est révélé l'amour, cet élément qui va bouleverser la pièce entière. Puis il s'agira d'étudier la première partie de la tirade de Néron, des vers 386 à 397, où Néron décrit à la manière d'un tableau vivant sa vision de l'enlèvement de Junie, avant de voir comment cette vision se fait obsédante à tel point que Néron rejoue la scène dans son imaginaire pour continuer de jouir du spectacle de celle dont il vient de tomber amoureux.
Problématique :
Il s'agira de voir en quoi, par un jeu d'identification et une intégration de la dimension passionnelle de l'enlèvement de Junie dans le jeu politique, cet extrait donne à voir les premiers balbutiements d'un monstre naissant qui poursuit son processus d'affranchissement de la tutelle d'Agrippine
I Vers 381 à 385 : dévoilement de la face secrète de Néron au confident Narcisse
NERON
381 Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux. = emphase
Nous pouvons vérifier que le thème est ici centré sur l'intrigue amoureuse, et que celle-ci est placée sous le sceau du secret, de la confidence. Effectivement, dans la scène qui précède, apparaissait un empereur sûr de lui, préoccupé de l'état, de ses alliés et de ses ennemis, un empereur dominateur, imposant sa volonté à tous ses interlocuteurs.
Au contraire, dans le récit de la scène 2, en même temps que l'écriture change de modalité-elle passe en effet du dialogique au narratif, c'est-à-dire du dialogue entre Narcisse et Néron au récit de l'enlèvement de Junie par Néron-sans doute Néron change de visage, et passe de l'ordre au murmure.
D'emblée, la vision s'effectue d'une manière tout à fait insolite, et cela est attesté par les mots mêmes de Néron (...)
[...] Passer clos la description : passer=fin, arriver=début III vers 399 à la fin 399 J'ai passé dans le mien. C'est là que solitaire, Un autre récit d'une scène imaginaire succède à l'autre "je l'ai laissée passer dans son appartement", "J'ai passé dans le mien" remplace la vision réelle, dès qu'elle s'achève, par une scène imaginaire L'évolution entre la partie consacrée à Junie et celle centrée sur Néron s'organise de manière très progressive : Junie représente la cause du bouleversement de Néron, décrit juste après. [...]
[...] Ce qu'il voit inconsciemment en elle, c'est lui D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil. La beauté de Junie est ici une fois encore associée à la violence et à la terreur : en effet elle est enlevée en pleine nuit par des gardes sans connaître la raison de son enlèvement. Le terme d'arracher illustre bien cette violence ainsi que le pronom impersonnel on illustre la stupéfaction ds laquelle se trouve Junie Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence, Vers qui révèle l'impossibilité de déterminer les raisons de son amour mais il le pressent au vers suivant : 392 Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence, C'est le tableau en clair obscur, le combat entre la lumière et l'obscurité, la douceur et la violence également, qui favorisent le désir de Néron. [...]
[...] Nous retrouvons aux vers 389-390 les mêmes indices : Junie est belle parce qu'elle est sans simple L'assonance en s souligne encore l'importance de ce champ sémantique. Elle est belle parce qu'offerte sans fard, dans une beauté qui est presque celle candide de l'enfant qui s'éveille. La redondance belle beauté dans la même phrase atteste également de cette volonté de simplicité qui refuse la dorure verbale factice. Ce portrait de Junie est sobre pcq c'est une figure tragique, cad noble et digne, cette sobriété convient à sa dignité. [...]
[...] On remarquera, en effet, que la scène imaginaire que joue Néron reproduit exactement les éléments de la scène réelle, en tâchant de résoudre les contradictions du récit ds le fantasme. L'interdit frappant la parole est levé : j'ai voulu parler devient je croyais lui parler. Identification virile : Néron est passé du côté des fiers ravisseurs : pleurs, menace. La paralysie tombe : je lui demandais, je faisais couler, j'aimais, j'employais Les contradictions réelles de Néron sont rejouées et levées ds l'irréel, cad qu'elles st irréellement résolues. [...]
[...] Là encore, la densité poétique, le travail sur les figures et les sonorités confère toute sa richesse et sa profondeur au récit. La reconstitution fantasmée de la rencontre s'inscrit en effet en écho avec l'évocation qui précède : comme par enchantement, le vers j'ai voulu lui parler devient je croyais lui parler L'expression du vers 404, je lui demandais grâce par l'absence du modalisateur atteste du fait que Néron s'est totalement plongé dans l'univers fantasmagorique. C'est par cette progression sans doute qu'il se sort finalement du paradoxe entre la rencontre attendue et la rencontre réelle, mais bien entendu, ce recours à l'imaginaire en dit long sur ses difficultés profondes et l'incommunicabilité qui le caractérise Voilà comme, occupé de mon nouvel amour Mes yeux sans se fermer, ont attendu le jour. [...]
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