Les atouts du monologue jouent pleinement ici pour exprimer le profond désarroi du personnage face au choix qu'il doit faire. Le thème du conflit et de l'amour renforce l'efficacité dramatique, il offre aussi de nombreuses ressources rhétoriques : le conflit donne lieu à des dialogues sous haute tension ou encore à l'expression du dilemme tragique sous la forme d'un monologue délibératif, qui expose à une assemblée des arguments contradictoires dans la recherche d'une solution (...)
[...] Cette scène est donc un point culminant de l'intensité tragique de la pièce. Titus est en proie à l'ironie du sort qui lui donne le pouvoir suprême mais lui interdit d'aimer Bérénice. Le spectateur attend alors avec une grande impatience la confrontation annoncée entre Titus et Bérénice, et se demande si Titus saura imposer à Rome la décision prise au terme de sa délibération. Ce monologue peut aussi déboucher sur une comparaison entre le destin tragique de Titus et celui de Britannicus dans la pièce éponyme de Jean Racine. [...]
[...] Il est obligé de répondre à ce dilemme en choisissant d'autres options dont aucune n'est satisfaisante. Ce monologue révèle de plus l'expression d'un trouble intérieur à travers le champ lexical de l'amour : cœur (v990), charme (v995), larmes (v996), adore (v999), aime (v999) , Amour (v1012) et celui du pouvoir Rome, palais, l'état, lois Ici Rome est une métonymie. Tous ces mots reflètent le trouble de Titus face au dilemme devant lequel il se trouve. Il souffre au fond de lui-même de ne pas arriver à se décider comme le montre le champ lexical de la délibération : consulté (v989), expliqué (v1001), avouer (v1008), mettre dans la balance (v1011), justifier (v1009) Mais c'est peine perdue car au plus profond de lui-même, il sait que le combat est inégal et que de toute manière aucun choix ne pourra le combler : il sera toujours perdant. [...]
[...] (v1013) Ne le puis je sauver du sacrifice ? (v1004) accentuent le lyrisme du monologue délibératif : il se secoue lui- même, se rappelle avec vigueur à la réalité. Ce que recherche Racine, c'est l'expression d'une situation tragique, à laquelle il ne peut échapper puisqu'elle relève de la fatalité. Le registre tragique met en évidence l'impuissance de Titus face à des forces qui le dépassent : il représente l'échec de la liberté humaine puisque Titus sera toujours rongé par le remords quelle que soit la décision qu'il prendra. [...]
[...] Racine, Bérénice, Acte IV scène 4 Introduction Nous sommes en présence d'un monologue que Titus prononce du vers 987 au vers 1013 à l'acte IV, scène 4 de la pièce de théâtre Bérénice, écrite par Jean Racine en 1670. Titus reginam Berenicen, cui etiam nuptias pollicitus ferebatur, statim ab Urbe dimisit invitus invitam c'est-à-dire Titus qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyait lui avait promis de l'épouser la renvoya de Rome malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire. [...]
[...] En effet, ce monologue est celui d'un Titus tourmenté et seul face à un dilemme qui le plonge dans un profond désarroi. Il lutte avec lui-même comme le montre la confrontation entre les pronoms personnels des première et deuxième personnes je (v987) Hé bien Titus que viens tu faire ? ; tu (v995) quand je verrai mais aussi entre le cœur de l'empereur, celui qui veut rompre avec Bérénice pour gouverner Rome et celui de l'homme qu'il est au fond de son cœur, l'homme (v1007) sensible aux vertus de la reine Ce dialogue Titus ne peut que le faire avec lui- même, ce qui accentue cette idée de solitude de l'empereur. [...]
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