L'acte IV dans une tragédie classique est celui de l'éclatement d'une crise dont le spectateur a pu suivre l'inéluctable progression. Racine respecte cette convention : la scène 4 vient de se terminer par le monologue de Titus chassant d'ultimes doutes et se préparant la mort dans l'âme à annoncer lui-même à Bérénice sa décision (puisque celle-ci a refusé de croire Antiochus.) La scène 5 est donc une scène de rupture amoureuse, un face-à-face douloureux entre deux êtres qui s'aiment mais qui subissent un contexte. L'extrait est l'instant précis de la réaction à vif de Bérénice confrontée à la résolution d'un Titus qui vient de déclarer : "Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner" (...)
[...] L'expression de la fausse résolution : Du vers 1103 au vers 1110, Bérénice semble d'abord comprendre que la résolution de Titus est indestructible. Les indices de l'acceptation fataliste de la situation abondent : _ Le Eh bien! exprime directement l'amer constat qu'il faut céder _ Le jeu sur les temps verbaux. Les deux présent de l'énonciation Je ne dispute plus , Je n'écoute plus rien accompagnés par les négations soulignent avec une certaine force la prise de conscience de Bérénice. [...]
[...] ) puis ré-accélère lorsque la parole est dépassée par l'émotion (vers 1111 et 1113) Conclusion : Cette tirade illustre parfaitement la tragédie classique telle qu'elle est pratiquée par Racine. Non seulement le but propre au classicisme est atteint c'est à dire émouvoir (tout en respectant les contraintes formelles : langage soutenu, alexandrins, dignité du personnage . ) mais en plus une psychologie vraisemblable et juste n'est pas sacrifiée. De plus, Racine parvient à poétiser l'instant et à faire de Bérénice la voix élégiaque de la femme entrain de prendre conscience de la perte irréversible de son amour. [...]
[...] Mais la tirade préserve également certaines questions qui restent en suspens : Bérénice ne lâche pas totalement prise (d'autres face-à-face violents s'annoncent) tout en révélant les marques d'un désespoir qui se concrétiser plus tard (menaces de suicide) Bérénice n'est pas encore ce personnage tragique qui acceptera le sacrifice . car cette tirade la montre sous le choc et commençant à douter de l'amour de Titus. Il faudra la foi en l'amour de Titus pour elle restaurée pour qu'elle se hisse au niveau du sacrifice digne qui transcende la plainte compassionnelle. [...]
[...] Racine distille quelques détails qui font comprendre que Bérénice n'a pas encore digéré. Il y a tout un champ lexical destiné à culpabiliser et fragiliser Titus cruel bouche infidèle à le mettre en face de sa trahison : la répétition sur bouche montre le calcul de Bérénice qui met Titus en face de sa parole de rupture qui est une parole qui enterre les mille serments d'un amour qui devait unir tous nos moments Avec un certain sens de la perversité, Bérénice n'hésite pas à appuyer sur cette parole de la trahison mille serments tous nos moments pour mieux en faire ressortir le côté sordide. [...]
[...] _ Le procédé des 3 questions rhétoriques qui s'enchaînent met fortement en évidence la volonté de persuader par les émotions Titus. Bérénice exprime ses doutes sur la capacité qu'ils auront à affronter l'absence de l'être cher et se montre certaine que cette épreuve sera aussi terrible pour lui que pour elle. C. L'expression des ultimes accusations : Les quatre derniers vers sont ceux d'un désespoir qui verse dans des reproches injustes. La confusion des sentiments règne sur la fin de l'extrait. [...]
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