Commentaire composé entièrement rédigé de Bérénice de Racine. Il s'attache à montrer que dans un face à face insupportable, le tragique naît, le dénouement de la pièce est contenu en germes et que le langage est un révélateur de l'impuissance des héros raciniens.
[...] Mais après s'être dit, Antiochus retombe dans son mutisme initial et son Adieu. fait écho à son Hélas final, qui incarne le retour définitif au silence et à la mort. Le silence donc s'impose comme instance de mort, comme espace anti- tragique au même titre que l'Orient dans la pièce. L'injonction au silence de Bérénice est donc en quelque sorte une condamnation à mort d'Antiochus qui essaye de survivre en parlant par les larmes, par ses actes je disputai longtemps, je fit parler mes yeux et dans le vers vous sûtes m'imposer l'exil, ou le silence l'exil et le silence sont posés comme deux instances équivalentes, hors de la tragédie, hors de la vie. [...]
[...] Nous sentons ainsi que dans Bérénice, toute la tragédie est liée au langage, au fait de dire où de ne pas dire. III l'ambiguïté et la cruauté du langage tragique. Le langage, dans cette scène particulièrement, s'avère être d'un importance cruciale. Le langage tragique révèle donc ici toute sa puissance et témoigne de sa capacité à faire exister le héros, mais aussi à le torturer, voire le tuer. En effet, le langage s'avère être ici une arme acérée capable dans la bouche de Bérénice. [...]
[...] La reine, tout à son amour, dit sa pensée, et la donne à voir à Antiochus comme un spectacle douloureux. Elle est aussi cruelle par son langage froid et méprisant. Le lien d'amitié réciproque est cassé, et la solennité hautaine des vers 259/260/261 Seigneur je n'ai pas cru que dans cette journée qui doit avec César unir ma destinée, il fût quelque mortel qui pût impunément Bérénice n'est plus l'amie intime, elle parle en reine, évoque César, elle se pose en future impératrice et renvoie Antiochus au rang des insignifiants avec quelque mortel Elle met ainsi de la distance entre eux, dès qu'Antiochus a dit son amour, le lien n'est plus possible, et Bérénice s'applique à le détruire à l'intérieur même du langage. [...]
[...] Titus est partout et l'empêche de respirer. Dans la bouche d'Antiochus, il est l'homme de l'éclat face au triste Antiochus qui se considère comme vaincu par lui. Titus est son heureux rival Antiochus met en opposition constante le bonheur de Titus et sa détresse La valeur de Titus surpassait ma fureur chéri de l'univers, enfin aimé de vous, il semblait à lui seul appeler tous les coups, tandis que sans espoir, haï, lassé de vivre, son malheureux rival ne semblait que le suivre. [...]
[...] Ce système d'échos permet, en filigrane, de nous laisser présager le dénouement tragique, car il ne peut y avoir d'autre issue au désespoir amoureux que la mort. Car si dans Bérénice, les héros ne meurent pas physiquement, ils n'en sont pas moins anéantis et morts symboliquement. Mort symbolique donc, notamment pour Bérénice et Antiochus qui sont au dénouement renvoyés en Orient, lieu de l'anti-tragique. La scène permet ici de mettre en place la définition de deux mondes, construits en opposition. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture