Bien que l'exposition des méandres des arguments et des sentiments ne se fasse pas de façon tranchée, sa stratégie va se développer en trois temps. En dernier, le temps de la menace, précédé d'un temps de prière, voir de supplique désespérée par laquelle une grâce est sollicitée. Mais avant cela, du tout début jusqu'à "trahir" Pyrrhus se présente hésitant, plaintif, comme désappointé. Bien sûr, il est le roi et il donne toujours des ordres (...)
[...] Chez Racine le janséniste, on n'échappe pas à son destin. Quelque soient les choix faits, ceux-ci conduiront aux malheurs et aux souffrances. C'est ce qui est ressenti dans cette première partie, le pathétique de la situation voulue par Racine au travers du chant lexical de la souffrance touche le spectateur qui ressent dans quelles inévitables contradictions sont enfermés les héros. Pyrrhus ne peut choisir qu'entre deux malheurs : perdre Andromaque en sacrifiant son fils ou perdre l'honneur et peut-être la vie en le sauvant et en repoussant Hermione. [...]
[...] Comme précédemment où il fallait, "ou périr ou régner", Pyrrhus sera "soumis ou furieux" et Andromaque sera couronnée ou son fils perdu à ses yeux. Chez Racine les choix possibles ne sont pas indépendants, ils sont toujours contraires, opposés. Les choix consistent entre la vie ou la mort, entre l'amour ou la haine. Au vingt-cinquième vers Pyrrhus rappelle les douloureux moments par lesquels Andromaque l'a fait passer durant l'année précédente, où sans cesse elle refusait de décider et de répondre aux sentiments du roi. C'est craindre, menacer et gémir trop longtemps. [...]
[...] Par ce "du moins" Pyrrhus implicitement attend d'Andromaque une concession. C'est le Roi qui demande un geste, un regard de pitié de sa captive. Si elle accède à sa prière elle verra qu'il n'est ni un "juge sévère" ni un "ennemi". C'est un retournement des positions, une inversion des rôles: il n'est pas un juge sévère et lui demande d'en être juge elle-même. Le but est de susciter chez Andromaque de la compassion tout en la persuadant que c'est elle qui finalement le force à la trahir. [...]
[...] Le verbe devoir n'est pas ici à prendre au sens du possible ou du probable, mais au sens de la contrainte. Racine joue de l'ambigüité du mot temple qui est à la fois le lieu où sont scellées les unions, mais aussi le lieu où sont rendus les sacrifices. En fait donc, tout est déjà prêt pour le sacrifice du fils, contraint d'être sur l'autel du temple et que seule la main d'Andromaque, comme celle de Dieu pour Isaac, peut sauver. [...]
[...] Or il se trouve que les grecs voulant éviter une reprise ultérieure des hostilités avec les troyens décident supprimer Astyanax avant qu'il ne devienne l'éventuel chef de fil de la vengeance des troyens. Pour cela ils envoient Oreste demander à Pyrrhus de leur livrer Astyanax. Oreste accepte cette mission car il est amoureux d'Hermione promise à Pyrrhus. Hermione est elle-même amoureuse de Pyrrhus, lequel est subitement tombé amoureux d'Andromaque, qui, elle, reste fidèle à Hector, mort. C'est l'argument sur lequel Racine va construire le drame d'Andromaque pièce en 5 actes parue en 1667. Comment la chaine fatale des amours sans retour va-t-elle pouvoir être rompue? [...]
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