Au c?ur de cet article repose ce qui constitue vraisemblablement le principal fondement des relations entre l'ethnologue, son milieu d'origine, l'Occident, et son milieu d'accueil, les « populations traditionnelles ». La qualification de ces dernières résume à elles-seules le fond du problème : il a souvent été question de « sociétés primitives » voire de « sociétés exotiques ». Lévi-Strauss fait donc le point sur les notions de progrès, de culture, ou encore de « sens de l'histoire ». Ne rejetant pas toute utilisation du vocable « race », il n'a de cesse de montrer les liens étroits qui unissent le racisme, pris dans une acception neutre d'une conception de la division de l'humanité en races, et d'ethnocentrisme. L'Occident, plus que tout autre civilisation, a à souffrir de la critique de Lévi-Strauss, compte tenu de la position dominatrice qu'elle impose sur tout mode de pensée.
[...] Et qu'il aille chercher ailleurs ses imago (p.1220). Sur la relation histoire/ethnologie Il semble que sur point, la critique de Lévi-Strauss ait été très mal comprise : il s'agissait bien pour lui de dénoncer une vision téléologique et historiciste de la réalité, une histoire purement narrative ou encore une Histoire hypostasiée par certaines philosophies. Race et Histoire montre clairement la difficulté que doit surmonter la discipline historique devant des sociétés sans écrits ; en ce cas, les irréductibles historiens auront à travailler à partir de documents accumulés dans le temps qui devront être passés au crible d'une critique rigoureuse et utilisés avec le recul nécessaire. [...]
[...] Aisé de vérifier aussi que certaines techniques, tel le Levalloisien, ne sont pas reproductibles aujourd'hui. Aisé enfin de se souvenir que l'homme de Neandertal n'a pas précédé l'Homo sapiens, mais lui a été contemporain. En effet, le développement des connaissances tend à répartir dans l'espace ce que nous avons étaler dans le temps. Le progrès n'est ainsi ni nécessaire, ni continu : il y a mutationnisme, bonds, sauts, voire changements d'orientation, à l'image du cavalier aux échec. L'histoire n'est cumulative que de temps à autres, lorsque des combinaisons favorables s'opèrent. [...]
[...] Lowie, Primitive Society (1920), lui fait définitivement franchir le pas. C'est ainsi qu'en 1934, après avoir accompli son service militaire, travaillé au ministère de la Guerre, professé au lycée de Mont-de-Marsan et abandonné toute carrière politique, il accepte la proposition de Célestin Bouglé, alors directeur de l'ENS, de postuler pour une chaire de sociologie à l'université de São Paulo, au Brésil. Il y enseigne durant trois ans jusqu'en 1938 ; jugé trop peu comtien et durkheimien par ses collègues, il lui faut l'appui de Pierre Monbeig et Fernand Braudel, membres de la mission française, pour se maintenir à son poste. [...]
[...] Dès lors, l'intérêt de la diversité des races provient de leur origine historique et de leur contribution dans l'espace, non de leur apport à un patrimoine commun. Il faut signaler pourtant que Lévi-Strauss ne souhaite pas se séparer de la notion de race car à quoi bon évacuer le problème en l'occultant alors même que la question de l'inégal progrès des sociétés est couramment soulevée ; cela reviendrait à jeter le bébé avec l'eau du bain La diversité des cultures pose plus de problèmes encore que celle des races : elles ne sont pas juxtaposées dans l'espace, mais plus ou moins éloignées spatialement, parfois d'époque différente, certaines sans écriture. [...]
[...] La réponse de Braudel relève plutôt d'un argument d'autorité que d'une problématique construite : nous avons vu naître, renaître et s'épanouir, depuis cinquante ans une série de sciences humaines impérialistes affirme-t-il lors de son discours inaugural au Collège de France, repris dans ses Ecrits sur l'histoire, parus chez Armand Colin en 1969 (p.31) : l'histoire semble donc donner raison à l'histoire alors que l'ethnologie doit bien se méfier de son impertinente jeunesse. Mais Braudel se garde bien de s'en prendre directement à Lévi-Strauss et à la contribution de l'ethnologie aux sciences humaines. Son message, à l'image de celui du chef de file des structuralistes français, n'en est pas moins un discours de l'unité des sciences de l'homme. Mais ce discours n'est-il pas double ? [...]
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