Lorsqu'il est question de la biographie de Rabelais, sa polyvalence n'échappe à personne ; tour à tour moine franciscain, puis bénédictin, il se défroque à trente ans passés, devient étudiant en médecine, puis médecin en France et en Italie, écrivain à succès, et pour finir curé à Meudon. Au vu des multiples facettes qu'à pu revêtir la vie de Rabelais, on ne peut que s'attendre à ce que l'écrivain nourrisse ses écrits de sa riche expérience (...)
[...] Au chapitre XIV, Panurge se sert pour son argumentation de la figure dicte Metalepsis Ailleurs, il se fait fort de tirer de certaine proposition énoncée par Pantagruel des conséquences qui le déconcerteraient : je vous menerois à logicalement inferer une proposition bien abhorrente et paradoxe. Mais laisssons là. (chap. XIX) Mais ailleurs, il va encore plus loin : il mésuse de la logique, dans le but de faire apparaître ses limites et la manipulation qu'on peut en faire. Rabelais se plait aux jeux de raisonnement les plus tortueux : il aime à développer des sophismes dans l'argumentation. Les discours de Panurge dans le Tiers Livre attestent le plus manifestement de cette tendance à jouer du raisonnement, sans respect pour la raison. [...]
[...] Une des principales méthodes de la scolastique était l'utilisation de la logique et du vocabulaire philosophique d'Aristote dans l'enseignement, la démonstration et la discussion. Une autre méthode importante consistait à enseigner un texte à l'aide d'un commentaire émanant d'une autorité reconnue. En philosophie, Aristote représentait habituellement cette autorité. En théologie, les principaux textes qui faisaient autorité, étaient la Bible et les Quatre Livres des Sentences du théologien italien du XIIème siècle Pierre Lombard, dont l'œuvre est une somme des opinions des premiers Pères de l'Église sur des problèmes de théologie. [...]
[...] Cet objectif poursuivi par tous les scolastiques détermina certaines positions communes, la principale étant la conviction d'une harmonie fondamentale entre la raison et la révélation. Les scolastiques pensaient que si le même Dieu est la source des deux catégories de connaissance et que la vérité est un des principaux attributs de Dieu, il est impossible que Dieu se contredise par ces deux modes d'expression. Toute opposition apparente entre la révélation et la raison pouvait être imputée soit à un usage incorrect de la raison, soit à une inexactitude d'interprétation des termes de la révélation. [...]
[...] Kraisheimer montre que Rabelais a nécessairement étudié les œuvres de Duns Scot et surtout de saint Bonaventure, le docteur qui s'inspirait lui-même de la philosophie platonicienne à travers saint Augustin. L'écriture de Rabelais laisse transparaître cet esprit franciscain : la leçon essentielle de saint François est la priorité absolue donnée à la Parole de Dieu par rapport aux misérables langages des hommes. Dans la vie consacrée, cette dévotion à la Parole révélée entraîne l'exigence de la pureté et de la simplicité dans le langage, qui ne devrait être utile qu'à louer Dieu et à propager la bonne nouvelle de l'amour évangélique. [...]
[...] Pour ce franciscain, les vérités, et spécialement celles de la foi, ne peuvent en aucun cas être réduites aux procédures du raisonnement. La foi, tout comme l'expérience, n'a nul besoin de démonstration pour manifester la vérité de son existence. En définitive, le Tiers Livre se fait l'écho du syncrétisme entre la philosophie antique (stoïcisme, platonisme, pythagorisme) et les leçons morales du christianisme. En cela, les intentions de Rabelais sont tout à fait conformes à l'enseignement qu'il a reçu chez les scolastiques, dont l'objectif était d'intégrer la vérité révélée à la vérité logiquement démontrable. [...]
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