Gargantua est un roman comique comme le dit lui-même Rabelais : le rire est le propre de l'homme (Préface). Ce comique est, chez Rabelais, essentiellement grotesque, et naît directement de la confrontation entre le sérieux et le burlesque, c'est-à-dire l'opposition même entre les haut et bas bakhtiniens ; le grotesque transcende donc la contradiction (...)
[...] Caractérisons ces termes : il vient que le terme de roman humaniste est déjà problématique en soi ; en effet, suivant la définition du XVIe siècle, le roman est un genre déprécié, héritier de la tradition populaire, des chansons de geste, des romans de chevalerie (C. de Troyes), et écrit en langue romane. Or l'humanisme présente des caractéristiques inverses : promotion d'une connaissance érudite (eg. lettre de Gargantua à Pantagruel), çàd héritière d'une tradition livresque, d'un certain élitisme (eg. J. Pic de la Mirandole) et de l'apprentissage des langues nobles (grec ancien, latin, arabe). [...]
[...] Or Gargantua est l'expression personnifiée de ce grotesque : son gigantisme fait écho à l'universalité de l'apprentissage humaniste, sa naissance est la marque même de son appétit de savoir A boyre! à boyre! : il avale, il engloutit, déchire le monde sa condition de géant lui fait traverser les âges (eg. lors de son premier apprentissage, Rabelais invoque des durées farfelues : 15 ans pour réciter l'alphabet à l'endroit et à l'envers Ainsi, l'évolution de Gargantua au cours du roman est symbole des idées humanistes, du progrès de l'homme (l'affirmation le rire est le propre de l'homme relève en soi d'une confiance envers l'humanité). [...]
[...] Exemples (justification de l'hypothèse de pertinence) : l'ironie est typiquement une situation polyphonique (relation entre l'énoncé littéral, et la pensée du narrateur en sous-énonciation), caractéristique de Rabelais (épisode de la naissance, le rabelaisien n'est-il pas le double-sens permanent ; multiplicité des genres (à l'image de l'Ulysse de Joyce [cette comparaison est importante, on y reviendra] : le rondeau dans l'épisode du torchecul, les Fanfreluches antidotées, proverbes, lettres, généalogie de Gargantua, éloge paradoxal). Le symbole comme critère Nous avons donc mis en évidence une des caractéristiques de notre critère : il est polyphonique. Or si le sens véritable apparaît justement à travers cette polyphonie, c'est que la vérité est dialogique (à l'image de Socrate, dont la philosophie transparaît à travers le dialogue et le débat). Une nouvelle question : quelle est l'expression principale de ce dialogisme ? [...]
[...] Le terme de roman humaniste est donc paradoxal, et ce paradoxe s'énonce ainsi : l'opposition entre la tradition populaire, celle des actes et légendes, et la tradition livresque, celle des Idées. On constate donc que l'expression de ces paradoxes est similaire ; nous sommes donc amenés, dans notre recherche d'un critère, à supposer une solution commune à ces deux énoncés : c'est ce que l'on nommera hypothèse de correspondance. Détermination du critère à travers une double hypothèse Vérifions d'abord la cohérence de l'hypothèse de correspondance : le roman permet-il l'expression du paradoxe d'interprétation ? [...]
[...] D'où : à l'aide de ce critère on aborde donc l'étude des thèmes humanistes dans Gargantua : on met en évidence une correspondance structurale du genre à l'idée l'évolution de Gargantua, qu'on peut reconnaître comme une parodie du genre épique (proème, généalogie, évènements remarquables précédent la naissance, etc.) correspond donc à l'évolution des thèmes humanistes que l'on peut interpréter à travers le symbole. A l'image peut-être de l'Ulysse de Joyce, où selon l'auteur, chaque chapitre fait référence non seulement aux aventures d'Ulysse, mais aussi à une couleur, à un art, ou à un symbole. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture