La question centrale du Tiers Livre est celle du mariage de Panurge, qui souhaite prendre femme, Pantagruel lui ayant appris que les jeunes mariés sont exemptés d'aller à la guerre pendant un an, ceci afin de faire provision d'héritiers. Seulement, Panurge reste indécis et souhaite connaître l'avenir de son mariage : sera-t-il ou non cocu ? Afin de répondre à cette question, Pantagruel lui conseille d'interroger diverses autorités, qui lui fourniront matière à pronostication (...)
[...] Alors que la prise de parole de Panurge, comme nous l'avons vu, fait basculer le texte de la narration à l'énonciation, marquée par le présent, le passé simple se feist (l. 33) est la marque d'un énoncé déconnecté du repère moi-ici- maintenant. Cet indice permet de mettre en relation cette phrase narrative avec l'exemplum de Pantagruel et ainsi de reconstituer rétrospectivement le cheminement de l'argumentation. L'analogie comme lien entre le discours et le récit En outre, d'autres éléments, qui ne sont pas à proprement parler des récits ou même des séquences narratives, participent de l'exemplum et ont des liens de contiguïté avec lui. [...]
[...] En effet, de la même façon que l'exemplum de Pantagruel s'est conclu sur l'établissement provisoire d'une conclusion, de même l'exemplum in contrarium que lui oppose Panurge permet une réfutation de cette conclusion, marquée par la répétition de l'adverbe négatif ne (l. 31) qui met en relief les cas particuliers qui engendrent la réfutation de la proposition générale, selon laquelle Panurge serait à l'image de Vulcain. L'établissement de la proposition de Panurge : Consécutivement à cette réfutation, Panurge établit sa propre proposition introduite par l'expression ce sort dénote que (l. 35). Les modalités déclaratives des phrases ainsi que le sémantisme du verbe dénoter qui s'opposent au conditionnel (l. sont les marques d'une assertion forte et sans équivoque. [...]
[...] Roland Barthes en donne une définition plus large : il procède d'un particulier à un autre particulier par le chaînon implicite du général : d'un objet on infère la classe, puis de cette classe on défère un nouvel objet. L'exemplum peut avoir n'importe quelle dimension, ce peut être un mot, un fait, un ensemble de faits et le récit de ces faits. C'est une similitude persuasive, un argument par analogie [ ] ; comme son nom grec l'indique, il est du côté du paradigmatique, du métaphorique. [...]
[...] Bien que cette analogie soit énoncée pour être immédiatement réfutée par Panurge, elle met néanmoins sur le même plan le sujet énonciateur du discours et le sujet de la phrase narrative, ainsi que le temps de l'énonciation, le présent, et les repères passés du récit, avec l'emploi de l'imparfait, qui apparaît pleinement dans sa valeur d'enchâssement. Les autres compléments de comparaison comme sa Vénus (l. comme elle et comme luy (l. dans lesquels le verbe être est sous-entendu, suivent le même principe et peuvent également être considérés comme des passerelles entre énonciation et narration. Ces rapprochements gomment encore plus l'opposition et le passage entre récit et discours et renforcent leurs liens de contiguïté. [...]
[...] 30) dans l'argumentation. Il existe donc un lien de continuité explicite entre argumentation et récit, de sorte que cet élément d'exemplum s'insère dans le discours cadre sans heurt, ni pour la lecture, puisqu'il n'apparaît pas de signe typographique marquant le passage du discours au récit, ni pour la compréhension, puisque le lien de co- référentialité est assuré. Au vu de cet extrait, il semble que le récit soit habilement essaimé par les personnages au fil de leur argumentation, au fur et à mesure des besoins, et qu'il peut avoir des longueurs variables, selon l'utilité qu'en a le locuteur. [...]
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