Le discours de Pantagruel à la lecture de ces énigmes est invariablement le même : Panurge sera cocu, battu et volé par sa femme. Au contraire, Panurge interprète tout à son avantage et réfute systématiquement les propositions de Pantagruel. Ces deux discours sont donc en opposition, bien qu'ils découlent de l'interprétation d'un seul et même message. Cette opposition est due en partie à l'équivoque qui caractérise l'énigme à décrypter (...)
[...] Homonymies et amphibologies sont toujours des occasions de s'affronter, d'opposer leurs deux points de vue différents. Chacun tire parti de l'équivoque et utilise l'un des sens mis en jeu par l'ambiguïté pour appuyer sa thèse. Dans aucun cas l'équivoque n'est dissipée car l'acceptabilité des deux propositions est identique, et les réfutations ne sont qu'apparentes. Il y a donc une utilisation sophistique de l'équivoque, dans la mesure où ces moyens rhétoriques ne sont pas mis au service de l'établissement de la vérité. [...]
[...] Cependant, selon Aristote (Topiques, on peut réfuter une définition en montrant qu'il y a différence, et Panurge montre bien qu'il y a différence entre le défini bout et la définition proposée par Pantagruel. Mais on ne peut établir une définition en montrant qu'il y a identité. Panurge utilise donc efficacement le lieu de la définition et la dissipation de l'équivoque du terme bout pour réfuter la définition de Pantagruel, mais non pour établir la sienne. Or, il continue sa démonstration sans tenir compte de cette règle dialectique. [...]
[...] L'équivoque permet à Pantagruel de faire une allusion au futur cocuage de Panurge et d'esquiver une réfutation de son interprétation, en se réfugiant dans le second sens proposé par le mot, et qui est manifestement ici hors de propos. Selon van Eemeren et Grootendorst, La nouvelle dialectique, XVIII : L'obscurité de langage peut avoir des conséquences négatives directes sur la résolution d'une dispute. [ . ] Si la formulation utilisée par l'opposant ne montre pas clairement qu'il met en doute le point de vue du proposant, ce dernier peut estimer à tort qu'il n'y a pas contestation. [...]
[...] Cette question étant mise sur le même plan que les vaines prognostications de Pantagruel et Panurge, on peut y déceler une critique voire une attaque de la part de Rabelais. De plus, l'équivoque donne lieu à toute une série de remarques métalinguistiques, qui sont autant de clés pour la construction du sens par le récepteur, et qui permettent de pointer du doigt les limites du langage : en effet, selon Pantagruel (Tiers Livre, XIX), les oracles les plus véridiques et les plus sûrs ne sont pas ceux que l'on met par écrit ou que l'on profère oralement, tant à cause des amphibologies, équivocques et obscuritez des motz, que de la briefveté des sentences. [...]
[...] Aurélie Gelé Master 1 Stylistique littéraire François Rabelais, Tiers Livre L'équivoque et ses procédés dans l'argumentation Le Tiers Livre traite principalement de la question du mariage de Panurge. Celui-ci se demande s'il doit se marier, et si oui, s'il sera cocu. Panurge prend donc conseil auprès de son ami Pantagruel, qui lui propose d'interroger diverses autorités qui lui livreront leurs pronostications sur l'avenir. Ils consultent tour à tour les vers de Virgile (chapitre XII), la Sibylle de Panzoust (chapitre XVIII) et le fou Triboullet (chapitre XLVI). [...]
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