Dans Le Conte du Graal, Chrétien de Troyes, l'auteur qui mit le Graal à l'écrit en premier ? d'après les manuscrits qui nous sont parvenus ? utilise un ton énigmatique qui va participer de la construction du caractère du héros, lequel découvre le monde. Plutôt que d'être toujours omniscient, l'auteur s'applique en plusieurs moments à narrer les faits tels que les appréhende Perceval, comme dans la scène du Graal, afin que le héros soit son propre interprète (...)
[...] Pareillement, le silence de Perceval face au Graal s'inscrit dans cette optique. Il sera par la suite qualifié de péché : Pechiez la laingue te traincha mettant en perspective silence et faute. Perceval doit rechercher la parole sainte de la prière pour pouvoir poursuivre l'aventure. Muré dans le silence, il ne peut qu'une fois encore courir au trépassement de sa quête. On pourrait objecter que la quête non terminée chez Chrétien trouve cependant une fin dans les suites, les plus manifestes étant le Perceval de Robert de Boron ou la Mort le roi Artu dans le cycle du Lancelot-Graal. [...]
[...] Peut-on réellement considérer que l'histoire du Graal est ainsi achevée parce que certains auteurs lui ont donné une fin ? A cette question, rhétorique à l'évidence, la réponse est non puisqu'il y a toujours des réécritures : la matière n'est jamais terminée. Si cette passion pour la matière du Graal s'est un peu altérée à partir de la Renaissance, elle est reparue vivace au XXème siècle et continue pareillement au XXIème : des romans paraissent encore sur le sujet (Graal par Christian de Montella en 2005, La Quête du Graal de François Johan en 2006, le dernier tome posthume du Cycle d'Avalon de Marion Zimmer Bradley en 2007 ) ou des études encore nombreuses : Anne Berthelot, en 1996, publie Arthur et la Table ronde, recherchant les origines historiques de la légende du Graal ; Jean Markale, en 2000, tente une reconstitution chronologique du mythe du Graal basée sur l'ensemble des romans de la Table Ronde avec son Cycle du Graal. [...]
[...] Est-ce, au contraire et en fait, parce qu'elle n'est pas une aventure, mais sa négation totale, un trépassement d'aventure ? Ou est-ce plutôt qu'au-delà de l'aventure physique ou mystique aboutie ou inaboutie, peu importe en somme elle est en définitive une quête de soi, une quête de l'identitaire, un dépassement de toutes les autres aventures dans le sens qu'elle permet de se découvrir soi-même ? C'est ce que nous allons tenter de définir dans ce travail : entre surpassement, trépassement et dépassement, quelle est la place de la quête du Graal, comment se définit-elle, qu'est-elle réellement ? [...]
[...] Se connaître, se savoir, là est le mystère du Graal qui permettra d'accéder à Dieu. L'accession à la connaissance intime de soi est rendue symboliquement par le rapport à la nourriture, dans le roman de Chrétien. Effectivement, le réflexe typique du nice qui vole les pâtés de l'Orgueilleux de la Lande va être effacé grâce à l'enseignement de Gornemant : Perceval sera plus policé mais il n'interviendra pourtant pas lors de la procession du Graal dans le Château du Roi Pêcheur, tout occupé qu'il est à déguster les mets du repas : Mais plus se taist qu'il ne covient, / Qu'a chacun mes don l'an servoit / par devant els trespaser voit / Lo graal trestot descovert / [ ]Ensin a la chose respitiee, / S'antant au boivre et au mangier Ce n'est alors que par le jeûne que lui imposera l'ermite qu'il pourra, tout en accédant à une dimension plus spirituelle, découvrir qui il est vraiment et parachever sa quête d'identité. [...]
[...] Il s'agit donc bien là d'une quête du divin dans laquelle s'engage le personnage. Le confirme encore une étude de 2005 de Barbara Brunswic et Estelle Plaisant- Soler, Thèmes, motifs et symboles récurrents dans le Conte du Graal, qui déclare que, quant au Graal en lui-même, la tradition postérieure à Chrétien le représente souvent comme une coupe. [ ] Symboliquement, la coupe est un signe de pouvoir, de souveraineté. Si le Graal est assimilé à une coupe, cet objet prend une autre signification : associé au pouvoir spirituel et non plus temporel, [ ] il s'agit donc d'un objet sacré, à la fonction liturgique puisqu'il participe d'un véritable service au sens religieux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture