Le procédé de l'ironie et tout ce qu'elle induit est méconnu aujourd'hui. Alors que tout un chacun se pense capable d'en donner une définition à peu près correcte, celle ci ne se bornera souvent pas à plus de précision que celle du simple et récurrent postulat “ l'ironie, c'est dire le contraire de ce que l'on veut vraiment dire”. Certes, cette acception du terme est admissible, mais le procédé de l'ironie est bien plus subtil, bien plus profond, et revêt bien plus de fonctions que cette définition lui confère. Quelles sont les définitions, et les fonctions de l'ironie ? Sans prétendre à l'exhaustivité de nos propos, ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans les lignes qui suivent.
[...] Elle autorise le récepteur à ne pas la percevoir ou à feindre de na pas la percevoir. Liberté aussi du coté du locuteur, car sa véritable pensée n'est finalement pas explicitement développée : un doute subsiste sur sa position personnelle exacte. On comprend qu'il dénonce un propos, mais il ne nous fait pas savoir clairement sa position personnelle. En somme, l'ironie permet à la fois : - de faire parler l'énonciateur condamné - de marquer une distance nette par rapport au point de vue de celui-ci - de valoriser le narrateur ( capable d'user de l'ironie ) - de dévaloriser l'énonciateur implicitement cité - de garder une part de silence sur sa propre position - de dénoncer un discours en le tenant littéralement Nous sommes donc loin de la définition étroite et insuffisante qui définit l'ironie comme simple antiphrase disant le contraire de ce qu'elle veut dire. [...]
[...] Il doit remarquer ou sentir qu'il y a une discordance entre l'antiphrase et la situation. Ainsi, dans l'exemple que nous citions ci-dessus, le lecteur doit comprendre qu'un autodafé n'étant jamais beau il est nécessairement devant le procédé de l'ironie. Il faut que l'énonciation - ici celle de Voltaire - soit interprétée par les lecteurs comme porteuse de jure autre sens que celui qu'elle délivre littéralement ( Comme nous le dit Maingueneau Le principe de l'ironie consiste t-il simplement à dire le contraire de ce que l'on pense ? Non. [...]
[...] De manière générale, tout au long de cette œuvre, on observe distorsion constance ( un écart, un décalage, une adéquation ) entre le ton et le contenu Le ton est joyeux, léger, traduisant à la fois l'optimisme de Pangloss et la naïveté de Candide, alors que le contenu est toujours effroyable, tragique, insupportable. Cet écart entre le ton et le contenu doit à la fois prêter à sourire mais aussi à réfléchir. La légèreté du ton de candide dénonce sans doute cette même légèreté avec laquelle les hommes reçoivent les pires nouvelles. Nous sommes à un premier degré de l'ironie. Celle-ci est très exactement un procédé qui s'appuie sur l'antiphrase : l'antiphrase consiste à dire le contraire de ce que l'on pense ou de ce que l'on veut faire penser. [...]
[...] Le sens littéral exprime un sens possible un sens que certains autres énonciateurs sont capables d'exprimer. Lorsque Voltaire écrit un bel autodafé il dit deux choses : 1 - Je ne pense pas ce que je dis, je refuse d'assumer un tel énoncé, autrement dit, pour moi, un autodafé est un acte affreux - Cependant, j'en connais certains qui pensent qu'un autodafé est une bonne chose et que c'est beau spectacle. Autre exemple, lorsque le même auteur décrit la guerre ( en utilisant le regard naïf de Candide ) comme un ensemble beau et ordonné, admirable, honorable, avec des héros qui soulèvent le respect, il dit deux choses : 1 - Je ne trouve pas que la guerre soit jolie ou admirable, au contraire, je la considère comme une effroyable réalité, et je vois les héros comme des bouchers sanguinaires - Il y a pourtant des gens qui pensent que la guerre est une chose respectable, honorable, et que les soldats sont vu comme des héros qu'il fait récompenser. [...]
[...] L'ironie mentionne les propos absurdes des autres. ( Les fonctions de l'ironie : Attardons nous maintenant sur les fonctions de l'ironie : D'abord, elle veut se moquer d'une cible, elle veut dévaloriser ceux dont elle feint d'adopter la pensée. Grâce à elle, les propos tenus se détruisent dans le mouvement même où ils s'énoncent. Elle laisse autant au locuteur qu'au récepteur une marge de liberté importante. En effet, le récepteur peut feindre de ne pas percevoir l'ironie; celle-ci n'étant marquée par aucun indice linguistique perceptible. [...]
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