Jacques Prévert (1900-1977), d'abord adepte du surréalisme, finit par quitter ce mouvement car trop indépendant d'esprit, il ne supporte guère les exigences de son fondateur André Breton. Il devient auteur de sketches d'une troupe théâtrale puis scénariste, dialoguiste et parolier. Le recueil de poèmes Paroles (1945) au langage familier et humoristique, fait de lui le "Parisien bohème", poète attachant de la ville et du monde populaire. Le poème La Belle Saison aborde les thèmes récurrents du recueil : la vie quotidienne, le temps et Paris mais comment, en six courts verts, parvient-il à nous plonger en son coeur ? Nous verrons que tout comme un peintre ferait l'ébauche d'un tableau, il a donné à son poème l'aspect d'une esquisse puis que s'y dessine l'évocation d'une solitude souffrante.
I Une esquisse :
a) un cadre :
Le poème nous situe le cadre spatio-temporel de la scène dont le titre nous indique qu'elle se déroule aux beaux jours. Cela nous est confirmé au dernier vers par la date précise : le "quinze août". Le lieu est lui aussi donné : Place de la Concorde donc en plein coeur de Paris. D'autre part, le portrait du protagoniste est rapidement brossé : il s'agit d'une "fille de seize ans", "seule" et "sans un sou", Par ces indications succinctes présentées en une seule strophe, le poète nous livre son sexe, son âge et son statut.
b) de petites touches :
Les phrases nominales nous font l'effet d'une description par touches successives. L'absence de verbes fige le personnage dans l'inaction.
De par le vocabulaire simple - "sans un sou"- et concret - à jeun -, le manque total de ponctuation et la versification libre ; la structure du poème ne semble ni travaillée ni définitive (...)
[...] II l'évocation d'une souffrance solitaire : une profonde solitude : La jeune fille est donc toute seule et sa solitude paraît d'autant plus extrême qu'elle se trouve sur la plus grande place de Paris. Il est surprenant qu'elle soit seule en ce lieu et en ce jour férié où nombre de Parisiens doivent être en train de flâner dans la capitale et de profiter du soleil et de leur journée de congés, ce d'autant que dans les années 50, la France est profondément catholique et que les jours de célébration religieuse sont chômés. Nous imaginons donc qu'elle n'est pas seule mais qu'elle se sent seule. [...]
[...] L'absence de verbes fige le personnage dans l'inaction. De par le vocabulaire simple - sans un sou et concret -à jeun-, le manque total de ponctuation et la versification libre; la structure du poème ne semble ni travaillée ni définitive. En outre, seul le vers rime avec le et le dernier; les vers 1,3 et 5 ne rimant pas entre eux. Cette rime récurrente tous les deux vers s'allie avec le rythme binaire saccadé des vers 1,2,3 et 5 pour scander le poème comme des coups de pinceau ébauchent à grands traits une toile préalable. [...]
[...] Nous sommes en droit de nous demander pour qui cette saison est belle car la jeune fille ne vit pas bien ce quinze août. un mal-être : La fille est seule mais également perdue donc elle vit mal cet état. Elle n'a pas mangé et le fait qu'elle n'ait pas un sou nous incite à penser que ce n'est pas délibéré mais contraint. Alors que le temps est vraisemblablement chaud, elle est glacée Cette sensation est certainement aggravée par une fatigue qui s'explique par le jeûne. [...]
[...] Jacques Prévert - La Belle Saison 1 A jeun perdue glacée 2 Toute seule sans un sou 3 Une fille de seize ans 4 Immobile debout 5 Place de la Concorde 6 A midi le Quinze Août. Introduction : Jacques Prévert (1900-1977), d'abord adepte du surréalisme, finit par quitter ce mouvement car trop indépendant d'esprit, il ne supporte guère les exigences de son fondateur André Breton. Il devient auteur de sketches d'une troupe théâtrale puis scénariste, dialoguiste et parolier. Le recueil de poèmes Paroles (1945) au langage familier et humoristique, fait de lui le Parisien bohème poète attachant de la ville et du monde populaire. [...]
[...] Le poème étant écrit pendant la deuxième guerre mondiale, peut-être cette jeune fille se sent-elle seule car elle a perdu un fiancé, un frère ou un père mort en soldat. L'allitération en s des vers 2 et 3 évoquerait par harmonie imitative le sifflement des balles au combat et l'assonance en i la douleur des blessures. La flamme éternelle est alors bien trop loin pour la réchauffer, ne serait-ce qu'un peu. Conclusion : Ce poème nous plonge par touches furtives dignes d'un peintre ou d'un réalisateur de films, au centre de la plus grande place parisienne où se trouvent personnifiés la solitude et le dénuement. [...]
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