L'Huître de Francis Ponge est un des poèmes extraits du recueil Le Parti pris des choses dans lequel l'auteur cherche par l'écriture à restituer l'âme des objets et des êtres vivants. Sa démarche naît d'une tentative d'exprimer la nature profonde et intime des choses, de décrire leur essence en essayant d'éliminer son propre point de vue.
Ce projet singulier, propre à l'oeuvre de Ponge, rend difficile le rapprochement de ce texte avec un genre poétique traditionnel : c'est un poème en prose qui prend l'apparence scientifique d'une définition de dictionnaire mais où l'écriture restitue l'objet (l'huître) non seulement avec les signifiants mais aussi par un jeu sur les signifiés, leurs sonorités et leur polysémie, afin de produire des images. Comment les procédés stylistiques, utilisés par l'auteur, laissent-ils entrevoir, en filigrane, à travers l'évocation de l'huître, une allégorie de la poésie de Ponge ? (...)
[...] Une volonté de prosaïsme dans le choix de l'objet poétique 1. Le thème de l'huître : Le titre du poème est programmatif, de la même manière que le premier mot, isolé en début de phrase par une virgule, et présage le motif du texte qui n'est autre que l'huître Le défi de Francis Ponge est donc de traiter de manière poétique un objet qui ne l'est pas traditionnellement. Ce traitement est rendu possible par la forme poétique particulière utilisée par le poète ainsi que par le recours à l'image Entre prose et poésie : L'appartenance au genre poétique se fait, à première vue, plus discrète puisqu'il n'y a ni vers, ni rime. [...]
[...] C'est donc au sens propre que monde est envisagé. En effet, on observe deux occurrences de cieux et surtout l'emploi du mot firmament qui est un terme issu de l'astronomie ancienne et qui renvoie aujourd'hui à la voute céleste. Cependant, il semble que le texte emploie ce mot au sens théologique de cloison solide qui soutient et sépare les eaux inférieures des eaux supérieures Cette description tirée de la genèse correspond parfaitement à celle donnée par l'auteur de l'huître. En effet, dans sa petitesse, elle renferme l'univers jusqu'à reproduire son origine cataclysmique : les cieux d'en dessous s'affaissent sur les cieux d'en dessus pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre. [...]
[...] Pour remédier à ce problème, Ponge relate l'ouverture de l'huître au mode impersonnel et avec des phrases injonctives, comme s'il s'agissait d'un mode d'emploi. L'homme est instrumentalisé et le poète ne convoque de lui que ce qui est utile : les doigts les ongles ses sens avec flue et reflue à l'odeur et à la vue jusqu'à doter ces parties de qualités humaines : les doigts curieux ».La synecdoque, lui permet ici de nier l'homme en évoquant de lui qu'une partie L'ambigüité de cette absence : entre discrétion et projection : Cette volonté d'absence ne peut cependant pas empêcher une certaine projection du poète sur l'objet décrit à travers son point de vue. [...]
[...] Commentaire stylistique de L'huître, Poème extrait du Parti pris des choses de Francis Ponge L'huître L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos. [...]
[...] Le regard de l'homme, par le choix des mots, connote et dénote la description de l'huître, qui devient celle de la manière dont le poète la voit. L'entreprise poétique rend difficile cette volonté de s'effacer Un art poétique : Comme on l'a vu, l'absence du poète n'est qu'apparente, et la métaphore filée de la création de l'univers, réalisée en quelque sorte par l'homme quand il ouvre l'huître, peut être vue comme un véritable art poétique. Puisque Ponge a pour projet d'exprimer l'essence des choses, le fait d'ouvrir l'huître avec difficulté pour y découvrir une perle mime bien cette démarche, comme s'il fallait détruire l'huître pour qu'elle se dise et déconstruire le langage avant de le reconstruire poiesis c'est étymologiquement faire un réseau de signe. [...]
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