Nerval est l'héritier d'une poésie qui se voit retranscrire le malaise, la désillusion, l'écroulement des sentiments dans une confrontation permanente à la réalité. Son propre déséquilibre émotionnel et psychologique trouve dans la poésie du XIXème siècle une manière de s'exprimer. Cependant, l'ambition poétique de Nerval n'est pas de partir vainement à la recherche de mots justes, mais bien de "récupérer dans un langage immobile le mouvement et le temps de la vie qui ne sont autrement que fuite, oubli et mort" (Raymond Jean) (...)
[...] Conscient de sa folie, il trouve même dans ses hallucinations l'inspiration créatrice. Il est abandonné à la folie et c'est dans cet abandon qu'il trouve ses impulsions premières. Néanmoins lorsque Nerval invente, il puise dans une expérience sensorielle et émotionnelle qui lui paraît réelle et logique sur le moment - en réalité crises de folie dont il ne prend conscience que par la suite. Ce qui est généré par son inconscient et son imaginaire n'est pas crée de toute pièce, exclu de tout lien avec son histoire. [...]
[...] Nerval est de prime abord à la recherche d'une unité. Il est depuis l'enfance troublée par l'absence de sa mère, par un passé décomposé qu'il cherche à unifier et une recherche de cet amour idéalisé. Il se rend compte qu'il ne peut aimer, que le sentiment d'amour est profondément détruit, qu'il n'est qu'illusion, et que l'amour même, comme le dira Yves Bonnefoy, "s'attachant à de l'absence, à de l'invisibilité, n'est plus en mesure d'opposer au pouvoir des mots". Nerval s'aventure dans les régions de cette âme à laquelle il manque une forme d'amour irremplaçable et est confronté à l'impuissance d'exprimer l'inexistant. [...]
[...] Il se détache ainsi de ses prédécesseurs et fonde sa poésie propre. La quête des profondeurs de l'âme est indubitablement liée à la poétique : l'une mène à l'autre, la recherche continuelle de Nerval ne peut se passer de mots, et les mots permettent à Nerval d'enchaîner les chimères au langage. Cependant l'écartelement dont est victime le poète, cet écartelement entre ses visions et le réel, marquent la difficulté du poète à retranscrire par les mots son expérience. Car l'expérience du poète va bien au-delà des simples chimères et des notions qu'elles représentent, et de la confusion entre monde réel et monde nervalien. [...]
[...] Nerval chante dans ses poèmes l'existence de moments qui vont mourir un jour. Le travail du poète sur le temps qui fuit et qui nous condamne irrémédiablement à la mort montre sa volonté de capter par le langage ces images avant qu'elles ne s'évaporent. La conscience de Nerval du temps qui passe, de sa folie qui le domine de plus en plus, des crises à répétitions, du monde réel qui le jauge et le juge, l'amène à une lutte intérieure violente. [...]
[...] Nerval empreinte aux univers crées par l'Homme et à son propre univers intérieur pour réaliser un travail de construction poétique hors du commun. On peut enfin dire que la poésie nervalienne apporte à l'univers de la poésie une aspiration nouvelle, en explorant les régions de l'âme les plus profondes, les plus intimes et les plus fermées. Nerval plonge à la fois dans ces profondeurs inconnues, ces cicatrices, et s'élève en même temps par la poésie. Son travail poétique est nourri de cette quête de percevoir l'invisible, l'intouchable : plus il en découvre sur son âme, plus il est avide d'en savoir davantage. [...]
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