Multiples sont les formes poétiques qui s'inscrivent dans un contexte funéraire. Ainsi, l'épitaphe ou l'oraison funèbre font figure d'incontournables expressions de commémoration. A la Renaissance, et notamment dans le sillon de Pétrarque, puis des Grands Rhétoriqueurs, la poésie devient le lieu propice au recul du macabre et, par le biais d'une déploration écrite, permet de contrer l'oubli en élevant le défunt au rang d'immortel. Cette pratique se développe tant et si bien qu'à l'occasion de la mort d'une personne un tant soi peu réputée, il est de tradition d'ériger un poème à sa mémoire.
Certains poètes des années 1530 introduisent ainsi dans leurs recueils des pièces funéraires, s'emparant de ce nouveau lieu commun (...)
[...] Il semblerait que le premier Tombeau poétique soit celui dédié à Louise de Savoie, mère de François Ier, publié en 1531. Par la suite, le Tombeau écrit en l'honneur de Marguerite de Navarre[2] fait des émules, et le genre sera très en vogue chez les poètes de la Pléiade, jusqu'au début du XVIIème siècle. Amaury Fleges, spécialiste de ce genre poétique de la Renaissance, précise qu'il regroupe la double qualité cérémonielle des funérailles, à l'image desquelles il réunit les membres d'un groupe ou d'une communauté _ ou leurs porte-parole _ autour du corps du défunt récemment décédé, et monumentale du tombeau réel, sur le modèle duquel il s'élabore et dont il constitue un équivalent à la fois virtuel et concret.[3] Ainsi, un Tombeau se caractérise à la fois par la pluralité de ses voies discursives, qui composent une sorte de cortège symbolique, et par sa forme qui renvoie métaphoriquement à l'architecture même du tombeau réel La pluralité des voies discursives L'une des ambitions du genre est de s'approprier le sentiment de deuil individuel, de lui adjoindre d'autres expressions de même nature, et de faire de ce tout un événement littéraire dont la portée symbolique sera directement proportionnelle à la quantité et au prestige des signatures rassemblées.[4] Ainsi, l'instigateur de l'ouvrage est chargé de réunir les poètes les plus prestigieux qui soient, afin d'augmenter la solennité de l'hommage. [...]
[...] " Tombeaux littéraires en France et à la Renaissance La Licorne, p 105 J. CASTONGUAY BELANGER, Op. Cit., p 64 J. DU BELLAY, Lettres, éd. Pierre de Nolhac, Genève, Slatkine Reprints p 36 DE ROUGEVALET, Sur le trespas de Monsieur Passerat in Recueil des œuvres poétiques de Jan Passerat, lecteur et interprète du Roy, Paris, Abel L'Angelier p 471. J. CASTONGUAY BELANGER, Op. [...]
[...] BRANTÔME, Recueil des Dames, poésies et tombeaux, éd. D'Étienne Vaucheret, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade p 966 à 992. Y figurent les tombeaux de Jacquette de Montbron et de Renée de Bourdeille, vicomtesse d'Aubeterre. Le tombeau de Marguerite de Valois Royne de Navarre, Faict premierment en Distiques Latins par les trois Sœurs Princesses en Angleterre. Depuis traduit en Grec, Italien & François par plusieurs excellents Poètes de la France. Avecques plusieurs Odes, Hymnes, Cantiques, Épitaphes, sur le mêsme subject, Paris, Michel Ferzandat (B.N. [...]
[...] Le livre, présenté dans tous les éloges funèbres d'hommes de lettres comme un reliquaire où sont exposées pour l'éternité leurs qualités les plus louables, apparaît ainsi comme un véritable lieu de culte, un espace de mémoire offert aux siècles futurs.[9] Si le principe même du Tombeau poétique est ainsi de chanter les louanges du défunt, son caractère élégiaque se recentre rapidement autour des poètes qui le rédigent et de leur art. Il s'agit une fois de plus de vanter les mérites de la poésie qui, par son immatérialité, défie le temps et les splendeurs architecturales périssables. [...]
[...] La majuscule au mot Ombre (vers 13) place le néant et la mort sur un piédestal. Et si Rodin n'a pu réaliser son projet d'ériger une statue de Baudelaire sur sa tombe, Mallarmé semble ici en sculpter une à l'image de sa Muse : aux lauriers artificiels et vénaux, il oppose l'image de cette prostituée, plus à même de s'adosser sur son sépulcre (vers 9 et 10) _ de la même manière que sur un réverbère _ et d'assurer l'éternité de Baudelaire au sein de sa poétique, propre à surmonter sa mort, Toujours à respirer si nous en périssons (vers 14). [...]
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