La défaite de 1940 provoque de profondes remises en question pour les poètes, face à des circonstances où journellement la vie de l'homme se trouve mise en danger, sa dignité bafouée, sa liberté niée. Auteur d'inspiration chrétienne, Pierre Emmanuel publie en 1942 un recueil intitulé Jour de colère qui s'inscrit dans ce combat "des poètes casqués". Ecrit en peine guerre mondiale, le poème "Hymne à la liberté" porte la trace de l'engagement du poète : en effet, celui-ci, universitaire et enseignant, entre dans la Résistance pour s'opposer à l'invasion de la barbarie nazie en Europe.
Composé en vers libres dépourvus de rimes et de réelle ponctuation mais proches des alexandrins classiques, cet "Hymne à la liberté" est un vibrant hommage rendu par le poète à ses "frères" de souffrance. En un éloge lyrique, il salue tout d'abord leur sacrifice et les élève au rang de martyrs. Ensuite, en des vers à portée universelle, le poète se plaît à imaginer les fondations d'un monde meilleur (...)
[...] Il leur attribue un corps et une âme et ce corps habite par fragments tout l'espace textuel. Le poète est bien ce créateur qui rend la vie à tous ceux qui ont disparu après les tortures subies par les corps suppliciés. De plus, la récurrence des expressions hyperboliques plus puissants (vers vrais et sans limites (vers souligne le caractère exceptionnel de ces hommes qui ont donné leur vie pour la liberté. C'est leur courage à toute épreuve que célèbre le poète. [...]
[...] Triomphera alors une autre voix, celle de Dieu en qui Pierre Emmanuel invite à mettre tous ses espoirs : le vers 14 dit que le salut est dans la prière et Dieu est le dernier mot du poème. Un poème hymne Finalement, il ne faut pas voir dans ce texte l'évocation d'un monde sombre, soumis à l'oppression et à la tyrannie, voué à l'extinction. Bien au contraire, s'y exprime un optimisme triomphant, le poète chante son espoir d'un monde meilleur. [...]
[...] Soumis à ces tortures inhumaines, les Résistants ne cèdent pas. Le mot silence (vers la métaphore architecturale de la nef silencieuse des mains (vers 10) renvoyant à la promesse tenue par tous de ne pas parler quoi qu'il advienne, de ne pas dénoncer les camarades, disent la résistance héroïque. Loin de les avilir, la souffrance les grandit. Ils sont violents plus puissants : la métaphore filée des arbres qu'on émonde qu'on taille sans merci est là pour montrer leur grandeur car ils croissent grâce à ces blessures supportées, sachant dépasser la douleur physique. [...]
[...] En premier lieu, ces hommes torturés se sacrifient pour la patrie, tout comme un saint se sacrifie pour Dieu. C'est pour sauver tout le pays (vers que ces souffrances sont consenties et acceptées De plus, tels des saints, les Résistants ne sont pas soumis aux faiblesses du monde. Leur force d'âme les place au-dessus des contingences et des misères humaines. Le paradoxe du premier vers : O mes frères dans les prisons vous êtes libres fait d'hommes enchaînés des hommes libres ; bien qu'on les émonde ils croissent (vers ; bien qu'on cherche à les faire parler, ils répondent par un glorieux mutisme (vers 9). [...]
[...] Le champ lexical de l'étendue à la fois spatiale et temporelle traverse le poème : sans limites, éther, cieux vastes autant d'expressions qui apparaissent pour dire que ces hautes figures de la Résistance évoluent dans un monde supra humain où triomphent des valeurs absolues. Hymne à la liberté est donc un poème qui rend hommage au courage, au sacrifice et au martyre des Résistants qui ont accepté de donner leur vie pour que la France recouvre sa liberté. Ecrit en 1942, le texte est bien un poème de circonstance. Cependant, Pierre Emmanuel y développe une réflexion plus générale sur le monde. II Le rêve universel d'un monde parfait L'écriture poétique transcende, sublime les cadres spatiaux et temporels. [...]
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