Il faut envisager les échos picaresques du point de vue de la constitution de la personne humaine en ce sens qu'elle se positionne par rapport à la société dans sa réflexion et son action. Les deux choix possibles pour le picaro, c'est-à-dire s'intégrer ou rester marginal, lui confère une certaine intériorité, car cela montre sa difficulté de se positionner et peut révéler un malaise identitaire. En outre, les personnages évoluent intérieurement : est-ce le signe d'un développement de l'intériorité du picaro ?
On peut également poser le problème de la position du picaro par rapport à la morale, donc de son action et de son intégration à la société et, au-delà, s'interroger sur un possible développement d'une intériorité chez le picaro.
Ainsi, il faut s'interroger sur la façon dont les trois œuvres usent de la tradition comique tout en la détournant ; puis se demander comment le picaro tente de se situer par rapport à la morale et enfin tenter de savoir si la position que choisit le picaro par rapport à la société ne révèle t-elle pas un problème d'intégration et l'apparition d'une intériorité ?...
[...] S'il lui arrive d'être moral, c'est plus par lâcheté ou par nécessité, voire par fainéantise. S'il ne participe pas à la mort de la vieille Henrouille, c'est qu'il sent au fond de lui que ce n'est pas bien et que, en quelque sorte, ça le fatigue d'agir. Il a des réminiscences de morale, souvent involontaires. Il accepte son sort et est conscient qu'il ne pourra jamais en sortir. Il entretient un rapport à la morale qui est ontologique : c'est un gueux, et un gueux agit nécessairement de manière plutôt immorale. [...]
[...] Il montre le fait que rien n'est manichéen : tout le monde est fautif et responsable de ce qui se passe. Le picaro doit aussi se positionner par rapport à la morale. Oscar accepte son sort, et même en est à l'origine (c'est lui qui est tombé pour arrêter de grandir). Il voit la société à travers le regard de l'enfant, qui agit hors de toute morale. Il n'y a pas pour lui de réelle distinction entre le Bien et le Mal. [...]
[...] Elle est présente par exemple quand l'homme invisible, déguisé en Rinehart, parcours la ville, donnant ainsi naissance à moult quiproquos. Ces trois œuvres utilisent la tradition comique : elles la mettent en scène, et en même temps la dévoie. L'imperfection humaine est envisagée avec le rire, même si l'on trouve une réflexion morale voire pessimiste sur la société. C'est en cela que le genre picaresque a dévoyé la tradition comique. Se servant d'elle, les trois auteurs la mettent à l'œuvre dans le roman en la détournant de sa fonction principale. [...]
[...] Et même s'il y a intégration, comme pour l'homme invisible, elle n'est pas gratuite et ne se fait pas sans l'arrière-pensée et l'espoir de pouvoir la modeler à sa façon. L'intégration ne serait alors en aucun cas vraiment réelle puisqu'elle suppose de toute façon changement de la société et rejet de sa morale. En outre, cette position face à la société est bien révélatrice d'une intériorité existante dans chaque personnage, même si celle-ci reste succincte et peu complexe : il y a une personnalité et une âme propre à chaque personnage. [...]
[...] Les œuvres ont effectué la conversion des thèmes comiques en objets d'une réflexion morale sérieuse, voire pessimiste tout en évitant de tomber dans le ton moralisateur et le pathétique voire le tragique. Céline ne sombre jamais dans le pathétique, et ce grâce au rire. Céline n'est pas l'auteur d'une œuvre sérieuse : il n'apparaît pas vraiment de réflexion sur la société et, d'ailleurs, ce sont plus des observations, des remarques. On retrouve la même chose dans Le Tambour, où le burlesque évite de basculer dans le sérieux. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture