Au XVIIème siècle, époque à laquelle Racine écrit Phèdre, il est au sommet de son art dramatique. Cette pièce étant l'une de ses dernières oeuvres, la maturité acquise par Racine lui permet d'inclure toutes les caractéristiques, telles que la bienséance, la raison et le retour à l'antiquité, du mouvement culturel et littéraire auquel il appartient : le classicisme.
L'extrait se situe au moment clé de l'histoire puisque la double intrigue exercée sur l'amour des deux amants Hippolite et Aricie éclate quand la passion de Phèdre pour Hippolite vient s'y ajouter. On assiste ici à la scène d'aveu entre ces deux derniers. Pour étudier comment la passion est exprimée par le texte de Phèdre, nous allons nous attacher à décrire la manière dont Racine transcrit la passion dans cette scène, après avoir examiné les faits relatés, puis nous nous interrogerons sur le registre, le genre et enfin le côté classique du texte (...)
[...] Elle se rend compte de ses erreurs en même temps qu'elle se voit faible, mais surtout mortelle. En effet, elle retrouve son instinct maternel qui lui dicte de protéger ses enfants : Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ? Tremblante pour un fils que je n'osais trahir, Je te venais prier de ne le point haïr. Faible projet d'un cœur trop plein de ce qu'il aime ! (vv.694-697). Phèdre aurait voulu offrir quelque chose de mieux à son fils qu'un amour interdit. [...]
[...] Premièrement, et plus vers le début du texte, Racine couple des mots qui s'opposent par les sentiments qu'ils représentent, ou encore des mots dans lesquels le deuxième qualifie le premier. Par exemple, Racine lie erreur v.671 et fureur v.672. Phèdre considère son aveu comme une erreur ce qui va révéler la fureur qui l'obsède. Il lie également raison et poison (vv. 675-676), ainsi que célestes et détestes ( vv. 677-8), et charmes et larmes (vv. 689-690). Deuxièmement, les effets de rythme qu'il place tout au long de la tirade montrent que Phèdre s'emballe pendant son aveu et la précipitation va s'accentuer jusqu'à la fin, jusqu'à la mort. [...]
[...] Les valeurs du classicisme sont donc contrariée par les caractéristiques du personnage, conformément à la volonté de Racine de présenter Phèdre comme un anti-modèle pour créer une morale. La passion est retransmise tout au long de la tirade par différents procédés qui touchent le personnage autant que le texte en lui-même, et ce discours mené par le désir montre que Phèdre voudrait changer le cours de l'histoire et les lois de la bienséance pour être avec Hippolite. Sachant que l'éducation qu'a reçue Racine dans son enfance vient de Port-Royal, symbole de la contestation politique et religieuse face à l'absolutisme royal au XVIIème, on pourrait croire que Racine a voulu faire passer un message critiquant la société normative du siècle en montrant une Phèdre rebelle à ces lois. [...]
[...] En effet, il sépare son vers par une césure parfaite appuyant sur la dernière syllabe de la première hémistiche plus qui oppose deux propositions en une antithèse haine s'oppose à amour et ces deux propositions forment aussi un parallélisme. On remarque encore une litote qui accentue la passion de Phèdre. Tout est lié mais la passion de Phèdre pour Hippolite est amplifiée grâce à cela. Enfin, Racine rythme son texte et pose des rimes surprenantes à la fin de ses vers. [...]
[...] Enfin, l'appartenance classique du dramaturge se ressent tout au long du texte. Dans cette tirade, tandis que Racine propose un retour à l'antiquité conforme aux caractéristiques de ce mouvement culturel et littéraire, Phèdre est montrée comme un anti-modèle pour plusieurs raisons. D'une part, elle ne suit pas du tout le modèle de l'honnête homme, car elle a conscience de ses faiblesses mais arrête de les maîtriser par son aveu et par cette question rhétorique : De quoi m'ont profité mes inutiles soins ? [...]
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