Commentaire composé du texte de Voltaire Petite digression, revu et corrigé par un professeur de français de lycée.
[...] Le récit apparaît comme une parabole que le lecteur doit interpréter : cette communauté d'aveugles représente les hommes en général. Ajoutons que la réflexion sur les infirmités permet aux penseurs du XVIIIème siècle d'en tirer toutes sortes de leçons - ainsi, Diderot dans sa Lettre sur les aveugles et dans sa Lettre sur les sourds et muets C'est la prétendue normalité (physique mais aussi morale, rationnelle) qui se trouve par là interrogée. - Il - La leçon du conte et l'art de la narration et de la dénonciation : Le vocabulaire laudatif qui accompagne les lignes 1 à 7 - parfaitement (I.3 et plus fin paisibles et fortunés (I.7) - va de pair avec l'emploi de termes qui marquent d'une part le consensus - tous égaux aucun d'eux ils - et d'autre part la restriction - tout ce qu'il est permis d'en savoir autant que les Quinze-Vingts peuvent l'être (I.7) - : se dégagent naturellement les fondements de la concorde : l'absence d'un homme qui se prétend le chef, détenteur d'une connaissance et d'un pouvoir supérieur, et la connaissance des limites de son savoir et la capacité à s'en contenter. [...]
[...] I.26 à 28 : l'histoire est relancée par le commentaire du sourd qui adopte l'attitude qu'il critique chez les aveugles. Deux phases d'ordre et encadrent une phase de désordre Dans celle-ci, la querelle est provoquée par le désir des aveugles de vouloir raisonner et adopter une opinion commune sur ce qui est par nature inaccessible : les couleurs. Manifestement le narrateur valorise la concorde présentée comme la conséquence de la liberté d'opinion sur ce qui échappe à l'entendement des hommes. [...]
[...] La locution restrictive I.23 signale que la seule façon de faire naître la paix est de reconnaître la liberté d'opinion. Le conte constitue donc un appel à la tolérance ; mais, le dernier exprime le scepticisme de l'auteur sur la capacité des hommes a le mettre en œuvre. On voit donc que la querelle est allumée quand les aveugles veulent porter des jugements sur un sujet qu'ils n'ont aucun moyen de connaître ; la guerre apparaît quand quelqu'un veut leur imposer un seul jugement sur ce sujet, et elle dure jusqu'à ce que la liberté d'opinion leur soit accordée. [...]
[...] Etude de Petite digression de Voltaire Dans les commencements de la fondation des Quinze-Vingts, on sait qu'ils étaient tous égaux, et que leurs petites affaires se décidaient à la pluralité des voix. Ils distinguaient parfaitement au toucher la monnaie de cuivre de celle d'argent ; aucun d'eux ne prit jamais du vin de Brie pour du vin de Bourgogne. Leur odorat était plus 5 fin que celui de leurs voisins qui avaient deux yeux. Ils raisonnèrent parfaitement sur les quatre sens, c'est-à-dire qu'ils en connurent tout ce qu'il est permis d'en savoir ; et ils vécurent paisibles et fortunés autant que les Quinze-Vingts peuvent l'être. [...]
[...] Ainsi, l'histoire reproduit le développement (mythique) de l'humanité : dans un passé ancien (une espèce d'âge les hommes jouissaient d'un bonheur relatif parce qu'ils ignoraient les questions métaphysiques, ils se sont déchirés dès qu'ils les ont abordées et la liberté d'opinion, présentée comme la solution au conflit, montre ses limites puisque l'obstination du sourd montre cette tolérance comme impossible à généraliser. Il y a donc ici la même condamnation de la métaphysique que dans le final de Candide. S'y ajoute une visée anticléricale puisque le professeur recourt à l'imposture et à l'intrigue pour fonder son pouvoir spirituel et qu'il recherche en fait le pouvoir temporel. Ceux qui ont des yeux et que le dictateur traite esprits forts sont-ils les philosophes ? Quand l'apologue se fait parabole, allégorie, son interprétation est plus incertaine. [...]
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