Roger Caillois (1913-1978) fait partie de ces quelques esprits du vingtième siècle qui ont fait preuve d'une extrême indépendance sur le plan intellectuel et artistique. D'abord intensément actif au sein du groupe surréaliste dans les années 30, il s'en éloigne, critiquant le caractère uniquement littéraire du mouvement. Pour lui, l'écriture automatique n'est qu'un jeu si elle n'est pas suivie d'une analyse et d'une critique approfondies des images fascinantes qu'elle génère et du fonctionnement de l'esprit qu'elle révèle.
Après son expérience surréaliste, Caillois part pour l'Amérique latine où il rencontre Victoria Ocampo ou encore Jorge Luis Borges. Juge sévère de la société et de la civilisation actuelle (Le Mythe et l'Homme, 1938), il a exprimé son goût d'un ordre rationnel et de la cohérence dans de nombreux essais qui touchent aussi bien à la sociologie qu'à l'esthétique (...)
[...] Le crédit accordé à l'auteur est également dû à ce dualisme entre vertu et vice, qui semble se rapprocher de la réalité, là où tout n'est pas ou tout blanc ou tout noir, mais davantage une palette de nuances. Les choix de conduite des héros dépendent aussi leur cadre social, historique et culturel qui les marque. On saisit aisément l'ironie de convertir au vice une jeune fille à peine sortie du couvent. Ainsi dans son court roman Les Infortunes de la Vertu, le marquis de Sade outrage joyeusement la vertu en l'innocente personne de Justine, orpheline sortie du couvent et qui choisit les voies de la morale chrétienne comme principe d'existence. [...]
[...] S'ouvre alors un véritable duel manichéen. En effet, si le personnage que l'écrivain choisit de mettre en lumière est souvent celui qui manque vaciller à chaque pas dans la vilenie, l'écrivain recourt presque immanquablement à un second personnage qui lui incarne la voie de la vertu. L'écriture peut alors prendre un caractère plutôt éducatif comme par exemple les romans de la Comtesse de Ségur, que se plaisent à lire les enfants de tout siècle. Les petites filles modèles que sont Camille et Madeleine, guident ainsi leur amie Sophie en lui enseignant par les leçons de vie et de morale, des qualités qui feront d'elle un modèle de vertu et de sagesse. [...]
[...] Dès lors, nous pouvons nous demander, quelle est la voie, celle du vice ou de la vertu, que choisit d'emprunter la littérature, à l'instar de l'homme, et par le biais de ses personnages ? Il apparaît dans un premier temps que l'écrivain soit tenté par l'écriture de la vilénie plutôt que de la vertu. Nous nous proposons ensuite d'étudier différents éléments du combat manichéen que se livrent vilenie et noblesse, afin de parvenir à l'idée que, au-delà de la complexité de traits proprement humains, l'écrivain cherche à donner à son œuvre un caractère universel. [...]
[...] C'est la vilenie d'un tel qui souligne et met en valeur la noblesse de l'autre. En définitive, vertu et vice se livrent un combat sans merci, qui s'ancre véritablement dans la littérature comme un passage incontournable, sûrement car le lecteur ne peut que se sentir complètement concerné par cette question. Ce duel gagne son caractère universel en traversant sans prendre une ride les siècles, preuve que les notions de bien et de mal sont depuis toujours au cœur des préoccupations de l'homme. [...]
[...] Il ne doit pas se contenter de peindre la vertu qui n'est que surface, qui lui semble trompeuse idée que scande la fameuse maxime de La Rochefoucauld L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu. Les Caractères de La Bruyère, sont un exemple de ce souci de l'authenticité, de la sincérité du fond de l'écriture. L'auteur ne craint pas de provoquer, de se poser en agitateur de sa société, en révélant le vrai du genre humain. Ses portraits satiriques doivent alors tenter d'échapper à la censure lorsque leur critique vise quelqu'un de haut placé (les nobles attaqués dans De la cour) que l'auteur présente sous un jour qui est loin d'être flatteur. [...]
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