Première partie : Comment pour combattre les passions on fera appel aux intérêts
[...] Parce qu'il est présupposé que les individus sont des acteurs égoïstes qui recherchent , par un calcul rationnel, la maximisation de leur satisfaction. Or ni les conduites individuelles ni les relations sociales ne peuvent être réduites à cette idée de rationalité instrumentale. Comme le démontre Hirschman, ce postulat n'est pas vrai a priori, il résulte d'un choix opéré par une tradition de penseurs. L'intérêt ne donne donc qu'une conception anthropologique étroite de l'Homme : est-il légitime de réduire toutes les conduites humaines, par nature, à un calcul de l'intérêt égoïste ? [...]
[...] - ce sujet individuel est un être égoïste et calculateur qui recherche la possession de biens et la satisfaction de ses désirs. - Cet égoïsme calculateur est socialement bon et utile parce qu'il produit un ordre social harmonieux et qu'il exclut le rôle de la contrainte politique. L'échange libre entre les individus crée un lien social essentiellement porteur de paix et d'efficacité . L'organisation sociale tout entière repose sur la satisfaction maximale des intérêts égoïstes, et n'a pas d'autre fin légitime. [...]
[...] De ce postulat découle ainsi la plupart des thèses néoclassiques sur le comportement du chef d'entreprise, du travailleur ou du consommateur. D'autre part, la démarche de Hirschman présente l'avantage de démontrer qu'une notion a priori évidente comme celle d'intérêt est en réalité un concept daté, qui a fait l'objet de controverses, tantôt scientifiques, tantôt morales et religieuses, qui a émergé à un moment précis de l'histoire des idées. Cette notion apparaît donc contingente, alors qu'elle est devenue le postulat de base de la conduite politique rationnelle et, par la suite, le fondement de la science économique. [...]
[...] Une troisième voie s'ouvre alors avec la notion d'intérêt. Pour canaliser les passions des hommes, il est inutile de faire appel à leur moralité ou à leur sens religieux , mais leur montrer que l'entraînement de la passion est néfaste à leur intérêt. Une conduite dictée par l'intérêt n'aura que des conséquences heureuses, au niveau individuel mais également au niveau collectif. En effet, sans le savoir, les hommes qui agissent en fonction de leur intérêt personnel (le souci d'enrichissement par exemple) contribuent à l'intérêt public ou général (associé à l'enrichissement du pays) par un phénomène d'aggrégation. [...]
[...] Il permet de se rendre compte que toute une tradition philosophique morale, héritée de Platon et d'Aristote, en passant par Saint-Augustin et Shaftesbury, ignore une telle détermination de l'homme par la notion d'intérêt. Cette tradition est aujourd'hui reprise par des penseurs comme André Caillé, Amartya Sen (Ethique et économie), Robert Axelrod (Donnant,donnant) . Cette notion, si elle reste un facteur explicatif essentiel des conduites humaines, ne saurait les résumer à elle seule. L'étude de l'histoire des idées réalisée par Hirschman peut ainsi inciter la science économique à se dépasser et à s'enrichir en soulignant les limites de l'un de ses postulats fondamentaux. [...]
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