Le livre II de L'Art d'aimer commence par une autoglorification ironique du poète et l'assignation d'un nouveau but. Avec un chant d'allégresse en l'honneur d'Apollon, dieu des Muses, avec la supériorité affirmée d'Ovide sur Hésiode et Homère, le poète fait preuve d'une autodérision amusée, au moment où il remet en quelque sorte son art en jeu :
Arte mea capta est, arte tenenda mea est.
Nec minor est virtus, quam quaerere, parta tueri ;
Casus inest illic, hoc erit artis opus. (v.12 à 14)
La mention récurrente de l'art montre bien l'importance qu'il revêt dans ce livre. Dans ce passage, Ovide engage l'amant à admirer constamment sa maîtresse pour la garder près de lui. Cet art de la flatterie, en toutes circonstances (ce sont les deux tiers du passage), amène à une réflexion sur l'art même. Cet extrait offre un beau spécimen de la variatio chère à Ovide et, au-delà du réalisme psychologique à l'oeuvre, une définition esthétique (...)
[...] Méduse, c'est aussi celle qui pétrifie par son regard. Ainsi, cette figure mythologique est-elle bien à sa place, en convoquant avec elle les thèmes de la beauté, du miroir, de la pétrification, qui peuvent aussi renvoyer au désir de l'homme, et aux artifices de la femme. Le personnage relie aussi ironiquement la sphère quotidienne à la légende, et la femme acariâtre d'un Romain devient grande figure mythologique ; l'image de la grande poésie vient prendre sa place dans celle des rapports amoureux. [...]
[...] Ainsi, la formule serait : complimenter sans cesse la belle, pour en arriver au lit, qui assujettira la belle, etc. Dans ce passage, Ovide ajoute de nouvelles recommandations, qui donnent au poème la même allure injonctive et didactique, et lui permettent de varier les moyens d'expression. Mais ce qui est renouvelé, c'est la materia du poème, et elle assure cette variété : en effet, en prenant le thème des apparences de la femme, le poète peut multiplier les cas examinés. [...]
[...] - Toutes ces recommandations ont un thème commun : il faut complimenter. Mais les moyens d'exprimer cette recommandation sont très variés. On trouve des impératifs fac v.2, habe v.12), un subjonctif volitif tibi sit v.5), le futur simple laudabis du v.3. La certitude du poète d'ailleurs s'exprime non seulement dans les prescriptions, mais dans la connaissance du futur : venerere licebit v13, fiet v.16. - L'abondance des cas envisagés, accompagnés chacun d'une recommandation, crée un rythme effréné, puisque grosso modo chaque vers sur les 12 premiers envisage une situation. [...]
[...] Si latet, ars prodest : adfert deprensa pudorem atque adimit merito tempus in omne fidem. VOCABULAIRE : Quicumque, quaecumque, quodcumque : quel que, n'importe qui Retineo, es, ere, tinui, tentum : retenir, conserver, garder Cura, ae, f : soin, souci amour (élég.) Attonitus, um : frappé par la foudre (verbe adtono), stupéfait, extasié Forma, ae, f : la forme, la beauté Tyrius, um : de Tyr en Phénicie, en pourpre de Tyr Cous, um : de l'île de Cos Amictus, us, m : vêtement de dessus Auratus, um : orné d'or, couleur d'or (verbe auro) Gausapa, orum, n : étoffe de laine, manteau Sumo, is, ere, sumpsi, sumptum : prendre pour soi, choisir Probo, as, are : faire l'essai, approuver Adsisto, is, ere, adstiti : se placer auprès, s'arrêter auprès, se dresser Caveo, es, ere, cavi, cutum : prendre garde à (acc) Frigus, oris, n : froid, froidure Conpositus, um : bien arrangé, apprêté Discrimen, inis, n : ligne de démarcation (terme de coiffure aussi) Torqueo, es, ere, torsi, tortum : tordre, enrouler, former par torsion > tortus, um Capillus, m (sing collectif) : cheveu, chevelure Ignis, is, m : le feu Brachium,i, n : le bras Salto, as, are : danser Miror, aris, ari, atus sum : admirer Cano, is, ere, cecini, cantum : chanter Desino, is, ere, sii, situm : cesser, finir Concubitus, us, m : union de l'homme et de la femme Veneror, aris, ari, atus sum : révérer, vénérer Licet : il est permis de Clam (adv) : en cachette, à la dérobée Gaudium, ii, n : la joie, la volupté des sens Torvus, um : menaçant Fio, is, fieri, factus sum : devenir Lenis, e : doux, calme Aequus, um : plat, favorable, bienveillant, égal, juste Pateo, es, ere, ui : être ouvert, être découvert Vultus, us, m : le visage, son expression, la mine Deprensus, um > deprehendo, is, ere, di, sum : surprendre, saisir, intercepter, découvrir Pudor, oris, m : pudeur, honte Adfero, fers, ferre, tuli, latum ; apporter, occasionner Adimo, is, ere, emi, emptum : enlever, supprimer TRADUCTION : COMMENTAIRE : Introduction Le livre II de L'Art d'aimer commence par une autoglorification ironique du poète et l'assignation d'un nouveau but. [...]
[...] Ce n'est que par le compliment que l'amant rendra sa maîtresse lenis et aequa dans un beau vers où l'amant l'encadre : fiet amatori lenis et aequa suo - Mais le poème suggère plus que la conservation de la conquête. Les connotations érotiques de moves incendia et lenis et aequa sont tout à fait explicites après lecture des vers 13-14. Concubitus à la penthémimère désigne l'union sexuelle, au lit, de l'homme et de la femme (et aussi la copulation animale) ; le verbe venerari très fort, renvoie à un culte, et ses sonorités font penser à celui de Vénus (génitif Veneris) ; la relative indéfinie quod juvat pourrait renvoyer à l'excitation et au désir, et le nom gaudia (là encore le pluriel est signifiant), désigne, outre la joie, la volupté des sens, c'est-à-dire l'orgasme dans le contexte du secret de la nuit clam noctis Les quatre corrections du vers 13 gardent le mot gaudia avec comme variante voce qu'il s'agisse de la voix de l'homme ou de la femme, le contexte reste le même, celui de la nuit d'amour. [...]
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