Du côté des harkis, c'était aussi du délire dans l'exécration ; ils accusaient le chef rebelle de cruauté diabolique. Ses djounouds et peut-être lui-même, n'avaient-ils pas égorgé des enfants, des vieillards et violé des femmes dans les mechtas d'où ils étaient natifs. Eux aussi rêvaient de se saisir de ce monstre, de le couper en morceaux et de le donner à manger aux chiens (...)
[...] Il fait nuit noire. La lune n'est pas encore levée. La petite troupe pénètre dans la cour qui jouxte la maison, elle- même tournant le dos à la montagne. Ce qui tient lieu d'espace libre aux femmes, le jour, est entouré d'une murette haute d'environ un mètre trente. Côté plaine, un guetteur caché derrière, décèle le danger de loin. C'est par-là qu'arrivent les camions de l'ennemi. S'ils ne sont pas en nombre, le guetteur peut même faire le coup de feu et tuer deux ou trois Roumis, avant de décrocher vers le djebel. [...]
[...] Une cinquantaine de cadavres, pas de blessé, pas d'armes. L'ennemi a disparu. L'État Major a compris. Ils ont filé. Opération démontée. Les unités regagnent leur P.C. Seul, le capitaine Guillaume demande l'autorisation de pousser une reconnaissance jusqu'à un douar qu'il sait favorable à la rébellion. Le capitaine sait très bien que les djounouds gravement blessés, n'ont pu suivre dans la fuite. On les a laissés en lieu sûr pour les récupérer plus tard. Autorisation accordée à vos risques et périls. [...]
[...] Les plus pauvres sont les plus généreux. Il est bien loin, le temps où il terrorisait les populations. Quel curieux chemin parcouru. Les voies du Seigneur sont impénétrables. Sidi Yacoub Les années s'écoulent. L'ancien chef de katibah vieillit. Mais il ne sent pas le poids des années tant il est imprégné de la fièvre d'Allah. Pourtant, un matin, des pèlerins le découvrent mort. On l'enterre selon les rites du Coran et l'on construit sur sa tombe, une kouba[32]. Comme on ne connaît pas le nom de l'ermite, les fidèles l'appellent : Sidi Yacoub comme la source Aïn [33]Yacoub . [...]
[...] À huit cents mètres des premières mechtas, il met son monde à terre. Progression en tirailleur et ouvrez l'œil. Quelques coups de feu claquent. Par bonds successifs les supplétifs avancent. Des individus s'échappent vers la forêt. S'ils ont laissé un plastron[27], c'est qu'il était chargé de protéger un gros légume. Fouillez partout. Il n'y a rien. Encore une dernière bicoque. À l'intérieur apparemment toujours rien. Sauf, dans un coin, un tas de couvertures et de tapis. Regardez dessous. Dessous, un blessé, Ben Boulaïd ! [...]
[...] Le village était construit à flanc de coteau. La pente qui déclinait vers la piste du bas, formait une croupe douce. Sur la partie droite, les eaux qui dévalaient de la montagne pendant les orages avaient creusé un talweg. Ben Boulaïd avait imaginé un plan diabolique. À l'orée des premières habitations, il avait placé sa mitrailleuse. Le servant devait attendre que la progression ennemie soit engagée sur la déclinaison avant d'ouvrir le feu en balayant tout l'espace dénudé. Le chef rebelle escomptait que les harkis sous les tirs, même s'ils n'étaient pas très précis, auraient le réflexe de se mettre à l'abri dans le ravin. [...]
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