On pourrait assimiler l'écriture nervalienne à une sorte d'espace de liberté créatrice où l'exaltation de l'imagination et de son pouvoir artistique donnerait naissance à une mémoire particulière, une mémoire stratifiée où chaque évocation de souvenir apporterait avec elle une nouvelle temporalité et bouleverserait, en quelque sorte, une réalité que l'on croyait stable en lui donnant plusieurs formes. S'il est donc pertinent de penser que Nerval n'a pas simplement voulu "se raconter" dans sa nouvelle "Sylvie" extraite du recueil Les Filles du feu, cette recherche du souvenir qui traverse la nouvelle semble avant tout être le témoignage d'une sensibilité à part, à la fois reflet d'une quête poétique mais aussi stylistique et rhétorique (...)
[...] C'est l'écriture qui brasse et fait le pont entre les différentes positions afin de devenir un espace mémoriel. Cette multitude de points de vue qui fait voler en éclat l'espace nervalien se ressent par exemple avec l'enchâssement des textes (extraits de chansons et de narration) et plus encore dans le texte qui suit Sylvie : Chansons et légendes du Valois où l'écrit, hybride, mêle réflexions de l'auteur et citations de textes. Il y a d'ailleurs, dans Sylvie, ce que l'on nomme des secondes mains quand Nerval réécrit des textes issus d'une littérature dite pastorale, bucolique, littérature de bergerie. [...]
[...] Ce concept de nouvelle saisie du temps s'apparente dans un premier temps à une métamorphose du lieu. Dans le deuxième chapitre intitulé Adrienne le narrateur s'adonne à la description d'un jeu d'enfant, une ronde où se mêlent et les chants, et les cris, et la joie. Pourtant, ce qui fait la spécificité de ce passage c'est la procédé de matérialisation progressif d'un autre lieu. En effet, progressivement, l'ensemble de la scène se métamorphose en illustration de l'imagerie romantique : soleil rouge, sentiment de communion avec la nature, divinisation d'Adrienne (avec le groupe d'enfants qui crée autour d'elle une sorte d'auréole), assimilation à l'œuvre de Dante, blondeur de la petite fille C'est donc, nous le voyons, cette sorte de réactualisation par la pensée-souvenir du narrateur qui donne une nouvelle coloration à cet épisode. [...]
[...] En réalité, c'est le désordre phénoménal de la pensée d'un poète tiraillé entre la matérialité et la sublimation littéraire qu'il peut en faire. Espace psychique, émotionnel, géographique ou encore littéraire sont tous les réceptacles de la mémoire, d'une mémoire si particulièrement approfondie par le créateur qui s'y penche que son évocation est la source d'une nouvelle saisie du temps. Sorte de réactualisation du souvenir, de l'ailleurs, de l'avant, du disparu. Une évocation non dénaturée mais colorée de distance, d'appréciations nouvelles. [...]
[...] La déambulation nervalienne se fait donc sur arc-tendu entre deux réalités : concrète et abstraite, intérieure (et donc propre au narrateur) et extérieure. On peut d'ailleurs noter que cet enchevêtrement d'espaces (intimes ou partagés) est l'élément à la fois déclencheur et catalyseur de la prise de conscience de la disparition du passé. Dans La grand frisé chapitre X de la nouvelle, le narrateur se rend chez Sylvie et la redondance des formules négatives qui remplissent littéralement le texte, ou plus encore l'interpénétration de la description de la demeure et des émois du narrateur ne cachent pas sa désillusion. [...]
[...] LITTERATURE FRANCAISE Sylvie extraite des Filles du feu de Nerval. La déambulation dans un espace provoque une nouvelle saisie du temps a écrit un critique à propos de Nerval. Expliquez et discutez. On pourrait assimiler l'écriture nervalienne à une sorte d'espace de liberté créatrice où l'exaltation de l'imagination et de son pouvoir artistique donnerait naissance à une mémoire particulière, une mémoire stratifiée où chaque évocation de souvenir apporterait avec elle une nouvelle temporalité et bouleverserait, en quelque sorte, une réalité que l'on croyait stable en lui donnant plusieurs formes. [...]
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